2 octobre > Correspondance France

Après ses Lettres à Jeanne Rozerot : 1892-1902 (Gallimard, 2004), sa seconde femme depuis 1888 et la mère de ses deux enfants Denise et Jacques, ses Lettres à Alexandrine 1876-1901 sont le "dernier inédit d’importance, tant par son volume que par sa richesse, de l’œuvre écrite d’Emile Zola", précise Brigitte Emile-Zola, l’arrière-petite-fille de l’écrivain, qui en a assuré l’édition avec Alain Pagès et plusieurs collaborateurs. Toutes ces lettres ont été héritées et pieusement conservées par Jacques Emile-Zola qui, peu de temps avant sa mort, en a autorisé la publication, "mais pas avant le début du siècle suivant", quand les tout derniers témoins de cette histoire auraient disparu. Brigitte a respecté scrupuleusement le vœu de son grand-père.

Voici donc 318 lettres assez longues - de quatre à six pages, un peu comme le travail quotidien que l’écrivain s’est imposé toute sa vie : "J’ai fait mes trois pages, car je ne suis pas encore revenu à en faire quatre, mon compte habituel", précise-t-il dans la dernière, datée du 3 décembre 1901. Elles ont été adressées à Alexandrine, sa compagne depuis 1865 et son épouse depuis 1870, avec qui il était lié d’une union fusionnelle. C’est peu de dire que la découverte de la seconde famille de son mari, en 1891, fut pour elle un séisme. D’autant qu’elle n’avait pu lui donner d’enfants, le couple reportant son affection, de façon presque pathologique, sur les animaux, chats et chiens, l’un des grands thèmes de leurs échanges épistolaires : "Le chien-loup-chat est bien heureux à la pensée qu’il embrassera bientôt le chat-loup-chien", écrit en 1897 Zola, qui signe parfois ses lettres "ton vieux loulou".

Le "navire Zola", ce modèle de tranquillité matérielle et de confort bourgeois, a donc pas mal tangué à partir de 1892 pour des raisons conjugales, puis, à partir de 1895 jusqu’en 1900, pour des raisons politiques : l’engagement progressif puis résolu de Zola dans l’affaire Dreyfus, qui lui vaudra un procès et, menacé d’emprisonnement, un exil d’un an à Londres, du 18 juillet 1898 au 5 juin 1899. Pendant ce temps, Alexandrine assure, garde le cap et tient la maison. Comme elle finira par accepter Jeanne et ses enfants, et les légitimer après la mort de Zola.

Leur correspondance est discontinue : ils ne s’écrivent que lorsqu’ils sont séparés. Durant l’exil londonien, ou lors des longs voyages qu’Alexandrine effectue, seule, à partir de 1895, presque chaque année, en Italie - le pays d’origine de Zola, qu’elle s’approprie ainsi et qui lui sert d’exutoire. Ou bien encore, à certains moments, les lettres ont été perdues.

Tout cela est passionnant, émouvant, vivant. Un seul regret : qu’Alexandrine ait, semble-t-il, détruit ses propres lettres. On aurait tant aimé entendre la voix de cette femme d’exception, digne de son génial "loulou". Jean-Claude Perrier

Les dernières
actualités