Charles Kermarec compare les frais de livraison aux frais de déplacement

Charles Kermarec, directeur de Dialogues © Michel Combe/LH

Charles Kermarec compare les frais de livraison aux frais de déplacement

Pour le directeur de Dialogues, la grande librairie de Brest, la décision de la Cour de cassation autorisant la gratuité du port des livres va déstabiliser d’abord les grandes librairies dont les clients habitent souvent à plusieurs kilomètres à la ronde. Il s’en explique dans une lettre ouverte.

Par Clarisse Normand
avec cn Créé le 15.04.2015 à 20h04

“Il n'aura échappé à personne que le litre d'essence se paye désormais 1,50 euros. Quand un lecteur ne se satisfait pas de l'offre de l'espace culturel (livres, multimédia, gazinières et aspirateurs) de Landerneau, il dépense pour venir à Brest en voiture quatre litres d'essence, soit 6 euros. A quoi s'ajoutent les frais de parcmètre. A Paris un ticket de métro c'est aussi 1,50 euros, à Rodez un ticket de bus coûte 1,05 euros. Un aller-retour 2,10 euros.

Ainsi donc pour se transporter vers leur librairie préférée la plupart des Français payent des frais qui rapportés au panier moyen (environ deux livres et 24 euros en province, un peu plus à Paris où l'on est plus riche) peuvent représenter plus de 10% du prix des ouvrages achetés.

La multiplication des “Cultura” et autres “Espace culturels” dans les gros bourgs rurbains, où habite plus de la moitié de la population, a commencé à modifier le paysage de la librairie française et on peut s'attendre à une hécatombe des points de vente traditionnels, petites ou moyennes librairies et maisons de la presse, des petites et moyennes villes.

La décision de la Cour de cassation de permettre aux sites de vente sur Internet de transporter les livres vers leurs clients sans frais pour eux est à rapprocher du coût de transport des clients vers les librairies quand ils prennent le bus, le métro ou leur auto.

Elle va inéluctablement changer la règle qui vaut aujourd'hui dans le commerce des livres. Elle va, nécessairement, déstabiliser en premier lieu le tissu des “grosses” librairies dont le référencement important attire des clients d'une zone de chalandise étendue.

Jack Lang et Jérôme Lindon savaient que la distribution commande l'édition. Modifier aujourd'hui le mode de distribution du livre, c'est modifier demain l'édition.”
Voir l'article sur les frais de port : un arr^ét favorable au SLF annulé en cassation





15.04 2015

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