On peut faire de l’édition, et de la bonne, en fouillant les greniers. La preuve, Christophe Bataille a découvert cette relique scolaire dans celui de sa famille. Et il a décidé de la publier, telle quelle, en fac-similé, en la dotant d’une belle préface de l’historienne Michelle Perrot.
C’est donc un cahier d’écolière, mais il a la forme d’un journal. Et pourtant, Célestine Parrot ne nous parle pas d’elle, ou alors très peu, en filigrane, derrière sa façon de rédiger des rédactions convenues ou de commenter des proverbes. On sent bien sa générosité, cette retenue des jeunes filles de province, dans les bonnes familles bourgeoises à la fin du XIXe siècle.
Célestine Parrot est née en 1879 à Lods, dans la vallée de la Loue, dans ce Jura rude et vert. Fille de vignerons aisés, elle vit dans une belle maison au cœur du village et fréquente une école privée. En 1892, l’année de son certificat d’études, elle tient ce cahier avec un soin extrême, presque sans rature. Elle change de plume et de couleur d’encre pour les titres, et c’est à la règle qu’elle tire un trait entre les parties où reviennent calcul, dictée et rédaction.
Presque tous les sujets concernent la vie courante. Ce sont des modèles de correspondance ou des mises en valeur de préceptes civiques. Les exercices de calcul font aussi référence au quotidien, aux récoltes, aux dépenses, aux travaux des champs.
D’emblée, c’est l’émotion qui prend le dessus. L’écriture fine, lisible, appliquée légèrement penchée est attendrissante. On se demande qui fut Célestine Parrot. Michelle Perrot nous apprend que, devenue religieuse, elle est morte de tuberculose en Suisse. Elle n’avait pas 30 ans.
Il n’y pas de nostalgie dans ce document. Il n’est pas là pour faire plaisir aux panégyristes d’une éducation à l’ancienne où les cours de morale voisinaient avec ceux de couture. Il est là pour nous rappeler la trace de cette vie minuscule, sans doute la seule laissée par cette jeune fille, quelque part du côté de Besançon. Et pour nous dire aussi que, malgré l’éloignement, elle fait partie de la famille. Laurent Lemire