Cécile Boyer-Runge

Cécile Boyer-Runge : "Une équipe sur le qui-vive"

Cécile Boyer-Runge - Photo Olivier Dion

Cécile Boyer-Runge : "Une équipe sur le qui-vive"

Après le départ de Leonello Brandolini, Cécile Boyer-Runge a pris les rênes de Laffont en janvier 2013. Entretien sur l’avenir de cette filiale d’Editis dont font partie Julliard, Nil ou encore "Bouquins"…

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Par Claude Combet,
Créé le 13.02.2015 à 01h04 ,
Mis à jour le 13.02.2015 à 10h49

Cécile Boyer-Runge - Laffont, c’est un nom et un pouvoir d’attraction. J’avais l’image d’une maison familiale, même si elle ne l’est plus depuis longtemps, fortement marquée par son fondateur. J’ai trouvé une belle entreprise avec une formidable énergie, à la fois tournée vers le grand public et défendant un fonds littéraire français et étranger. J’ai été surprise par sa modernité. L’équipe est très réactive, toujours sur le qui-vive, et la maison est très organisée et très structurée, capable de mettre au point des stratégies de grande envergure.

Il a fallu construire une nouvelle équipe, promouvoir des talents. Au sein du pôle littérature dirigé par Antoine Caro, DG de Laffont, nous accueillons une jeune éditrice de romans français, la romancière Emmanuelle Dugain Delacomptée, et Stéphane Million, qui amène de nouveaux auteurs comme Arnaud Le Guilcher, Jérôme Attal. Le pôle non-fiction est dirigé par Dorothée Cunéo, aidée d’Aurélie Ouazan et de Roman Perrusset. Le pôle littérature étrangère est conduit par Maggie Doyle, tandis que Françoise Delivet est directrice littéraire dans le domaine français. Le pôle jeunesse est confié à Glenn Tavennec, qui dirige la collection "R" pour les adolescents et va lancer une nouvelle marque "middle grade" pour les 8-12 ans. Il a aussi en charge les thrillers et les suspenses, un segment sur lequel nous souhaitons nous affirmer davantage. Au total, un nouvel équilibre entre jeunes éditeurs et éditeurs expérimentés.

La force de Laffont depuis sa création a été de se diversifier, du grand public - inscrit dans ses gènes - à la poésie, de la littérature française à la littérature étrangère. Le début d’année est encourageant : Dans la peau d’une djihadiste d’Anna Erelle (déjà vendu dans 12 pays) et Les Chirac : les secrets du clan de Béatrice Gurrey (prix du Livre politique) figurent dans les meilleures ventes. Elle & lui, qui marque le retour de Marc Levy à la comédie, démarre très bien. A côté de sa saga des Femmes de l’islam, Marek Halter a écrit un court texte, Réconciliez-vous !, vendu 3 euros, qui bénéficie d’un fort tirage. En avril, nous publierons un essai très personnel d’Alexandre Jardin sur la société française. Frédéric Mitterrand et Jean d’Ormesson font leur retour. A la rentrée, nous aurons un document de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, des livres de Michel Drucker, Patrick Pelloux. Comme on peut le voir, notre champ éditorial reste très large.

Nous allons les renforcer. Julliard porte le sceau de Bernard Barrault et Betty Mialet, qui ont su nouer des liens très solides avec leurs auteurs. 2015 s’annonce bien avec Philippe Besson, Lionel Duroy et Jean Teulé en ce début d’année. Pour Seghers, un peu atypique dans la galaxie Laffont, nous avons des projets, notamment autour de la jeunesse et, dès l’automne, avec des auteurs et des artistes engagés. "Bouquins" a une place unique dans la littérature française avec un succès récent, Le bouquin des méchancetés, qui s’est vendu à 45 000 exemplaires. Jean-Luc Barré, qui dirige la collection, annonce Les mots du sexe, mais aussi un recueil de textes de Jean Raspail consacré à la Patagonie et préfacé par Sylvain Tesson, et L’odyssée des marins des frères Poivre d’Arvor.

Nil est une sorte d’ovni, avec des livres originaux, romanesques, féminins. Le choix entre Laffont et Nil se fait au cas par cas, en faisant en sorte que le roman s’inscrive dans la lignée de Sebold ou de Spivet, ou encore d’Annie Barrows avec son Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates. Nous lancerons au printemps son nouveau roman (les Américains ont accepté d’avancer la sortie mondiale), The truth according to us.

Editis, votre maison mère, a une culture différente de celle d’Hachette Livre. Comment vous y insérez-vous ?
Je suis passée d’Hachette Livre, un groupe multinational et multimédia, à Editis, un groupe européen, fortement ancré en Espagne et en France, très solide notamment en littérature grand public, jeunesse et scolaire, et dirigé par une famille d’éditeurs. Ma mission est de défendre l’esprit Robert Laffont et les intérêts de la maison. Je m’inscris dans une dynamique d’avenir. Au groupe de nous encourager, de nous en donner les moyens. C’est normal de rendre compte à son actionnaire : c’est un équilibre entre des droits et des devoirs réciproques.

Le marché est dur mais nous avons eu un bon second semestre 2014, avec notamment Le siècle de Ken Follett, Cœur de cristal de Frédéric Lenoir et Le bouquin des méchancetés. Il reste que les ventes moyennes sont moins élevées. Il faut être opiniâtre, tenir la ligne, accompagner les titres, convaincre libraires et lecteurs.
Notre production reste stable, autour de 180 nouveautés cette année. Nous diminuons les titres de littérature étrangère pour mieux les défendre, tout en préparant les 70 ans de "Pavillons" et les 10 ans de "Pavillons poche" - qui va bénéficier d’une nouvelle maquette. En revanche, nous publierons davantage de documents et de fiction française.

En 2014, la présence de Robert Laffont a doublé sur tous les réseaux sociaux. Ils amplifient le succès, comme nous l’avons constaté pour la collection "R". Ce sont de nouvelles pratiques promotionnelles et éditoriales, qui nécessitent une communication directe et quotidienne avec les lecteurs. Nos éditeurs, notre service marketing et notre service de presse s’y emploient. Nous montons aussi des opérations pour nos auteurs : vidéos postées sur YouTube, "Twit live" avec Nikos Aliagas, "Google hangout" dans lequel Ken Follett a dialogué en français avec ses lecteurs. Nous avons aussi offert de courts textes de Ken Follett et de Martin Page uniquement via les librairies en ligne.

Laffont a une culture numérique très installée. Chaque nouveauté sort dans ce format (notre catalogue est de 2 000 titres) et notre chiffre d’affaires numérique, en croissance, représente 5 % à 6 % du chiffre d’affaires de la maison, avec des succès comme La sélection ou la trilogie Le siècle de Ken Follett, qui s’est vendu à 25 000 exemplaires. Nous poursuivons la numérisation du fonds grâce notamment aux aides du CNL. Enfin, nous exerçons une veille importante sur l’autoédition, là où se trouvent les nouveaux auteurs.

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