Je lis dans les réactions à ce blog : pourquoi ne parle-t-on pas ici de Jean Rome ? Ce correspondant doit savoir, j’imagine, que je proviens de Clermont-Ferrand. Et bien sûr le décès de M. Rome m’a attristé. Sa minuscule et riche librairie se situait au pied de la cathédrale, et de l’imposante façade édifiée par Viollet-le-Duc. On pensait au célèbre chapitre de Victor Hugo : « Ceci tuera cela ». Jean Rome ne songeait sans doute pas à tuer la cathédrale, mais le fait est que quelques bigots lui cherchèrent noise, notamment pour avoir présenté en vitrine le livre de Jacques Henric illustré par le tableau de Courbet « L’Origine du monde ». Véritable anar, Jean Rome accueillait par principe tous les livres mal vus pour quelques raisons que ce soit. J’ai hanté son magasin durant toutes mes années de fac. Entre deux clients, il lisait. Il lisait tout le temps. Son idée de la librairie renvoyait à Montaigne plus qu’à Virgin ou Amazon. Souvent, hélas, nous attendons que les gens ne soient plus là pour comprendre combien ils manqueront. * Il est singulier de voir deux hommes de lettres dont chaque livre enclenche les grandes manœuvres en librairie, concentre l’attention médiatique générale, et entre à son de trompes dans les listes de meilleures ventes (tous phénomènes qui en soi, ne disent rien contre eux), se taper dans le dos avec des « mon pauvre vieux, nous sommes des maudits, on ne nous aime pas, et pourquoi tant de haine, etc. » Pourquoi tant de haine, soit. Mais pourquoi si peu d’humour… * Et moi je ne veux pas jouer la star, ni avoir l’air de me plaindre, mais je commence quand même à prendre en grippe les photographes. Ça n’arrête jamais. A chaque nouveau livre, séance photo. Après quoi il y a des journaux qui veulent leur propre photographe. Puis les photographes d’agence qui veulent vous mettre au frigo, au cas où vous deviendriez presque aussi célèbre qu’Alain Bernard. Et tout ce monde-là prend tout son temps, vous bouffe tranquillement la demi-journée sans se demander si vous êtes stressé et si ça vous crève (car c’est crevant). On a envie de leur dire : mais bon sang, qu’est-ce qu’elle a, ma gueule ? C’est ainsi que l’autre matin j’ai fait une démonstration de mon charmant caractère au pourtant fort sympathique David Balicki (mes excuses). Il y en a même une, voilà plusieurs années (j’ai oublié le nom de cette fille) qui m’a demandé d’ouvrir ma chemise ! Paradoxes du narcissisme : j’avais trouvé cette demande plutôt sympa et même sexy, et je me demande encore pourquoi je n’ai pas obtempéré. * Sébastien Lapaque m’envoie amicalement les épreuves de son nouveau livre, ce qui me touche. Il aura publié deux ouvrages cette année : Il faut qu’il parte et ce Sermon de saint François d’Assise aux oiseaux et aux fusées . L’un est une critique acerbe et documentée non pas d’un président, c’est anecdotique, mais des injustices et des violences d’un système. L’autre, un cri de révolte devant le gâchis de notre monde ; la virulence inspirée des maîtres qu’il aime, Bloy, Péguy, Bernanos ; et toute la folie du « Poverello ». Ça doit faire une dizaine d’années que nous nous connaissons, Lapaque et moi, et je déplorais en secret que ce critique et journaliste épatant laissât un peu en jachère ses potentialités d’écrivain (du moins à mon avis). Eh bien ça y est, avec ces deux livres, je crois il s’y est mis.