La première nouvelle s'ouvre sur une scène avec un Chinois qui nourrit ses cochons. Wu attend une lettre d'Afrique, des nouvelles de son fils parti travailler dans le continent noir. Wang le facteur est un plaisantin et ne lui donne pas toujours le courrier. Ça fait onze jours que Wu attend la missive. Quand le facteur lui tend l'enveloppe, ce n'est pas l'écriture de Zhijiang. La société chinoise qui l'emploie en Zambie annonce son décès à la suite d'un accident. Cette chute qui vient tout au début de "Mon immortel" donne le la de ce qui suit. Evacué le suspens de l'intrigue, la vraie tension est ailleurs : les remords, les doutes, les rêves brisés. Dans l'histoire inaugurale du recueil d'Arthur Loustalot, Là où commence le secret, le père endeuillé va chercher un autre corps, les cendres d'une jeune morte, pour donner à son fils une compagne dans l'au-delà.
Les autres nouvelles déploient le même camaïeu de tristesse et de regrets, même si ce raconteur prodige, pas 25 ans et déjà auteur d'un premier roman, Mes fils aimés (L'Harmattan, 2010), sait aussi faire chatoyer la nature autour de ces tranches de vies : les Andes de l'Altiplano ("Deux soleils"), Land's End - le Finistère anglais - ("Les herbes et les étoiles"). Ce qui fascine dans ces récits est à la fois la précision du réel et l'économie de raisons psychologiques. Dans "Deux soleils", Javier cultivait des tournesols qu'il revendait aux éleveurs, qui depuis sont ruinés. Son travail consiste aujourd'hui à allumer et à changer les ampoules d'une enseigne publicitaire pour une marque de soda à La Paz. Dans "L'étonnement des corps", Nino et Abigail formaient le couple vedette du flamenco, leur danse d'une diabolique sensualité était la lutte et l'attraction des êtres qui se désirent mais ne cèdent pas. Un jour, ils font l'amour, et c'en est fini et de l'amour et de l'art, Nino ne bande plus et Abigail est partie. Chaque fois, le nouvelliste réussit à nous tenir en haleine par ce mystère qui n'est autre chez chacun de ses personnages que son ressort cassé.