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Carl Safina, «À l'école des animaux» (Buchet Chastel) : Pense-bêtes

Carl Safina - Photo © Carl Safina

Carl Safina, «À l'école des animaux» (Buchet Chastel) : Pense-bêtes

Dans un essai conçu comme un grand reportage, Carl Safina nous apprend comment les animaux apprennent. Tirage à 15000 exemplaires.

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Par Laurent Lemire
Créé le 19.03.2021 à 19h17

Les voyages forment la genèse ou du moins ils permettent d'appréhender les débuts du vivant. Pour comprendre d'où nous venons, il est essentiel d'aller à la rencontre des autres espèces pour observer la manière dont ils communiquent et dont ils apprennent. Il ne s'agit pas d'animaliser l'homme mais de montrer en quoi l'homme participe de cette animalité. C'est ce que fait depuis des années Carl Safina dans ses documentaires télévisés et ses livres. Titulaire d'un doctorat en écologie, cet Américain réfute Emmanuel Kant qui affirmait : « L'homme est la seule créature qui soit susceptible d'éducation. » Selon lui, le philosophe allemand aurait mieux fait d'écrire « n'est pas la seule créature ». Pour nous le prouver, il propose une grande odyssée dans laquelle il observe de nombreuses créatures dont la survie dépend de l'apprentissage.

En compagnie de quelques éminents spécialistes, Safina parcourt le monde et surtout les océans pour nous faire comprendre le vivant, sa complexité et son adaptation. Pour lui, « la mer vibre d'appel et de déclarations ». Le « monde du silence » cher au commandant Cousteau s'avère en réalité fort bavard avec des cachalots qui communiquent en morse et se nourrissent de calmars repérés par une sorte de sonar très sophistiqué. Et que dire des dauphins dont le langage se révèle très complexe... Il montre aussi que l'évolution n'est pas seulement la survie du plus apte, mais aussi la survie du plus beau. C'est le cas de certains perroquets - les aras - qui jettent un regard envieux sur leurs congénères aux couleurs éclatantes, faisant de cette beauté une monnaie sociale. Enfin, les chimpanzés apprennent à casser des noix ou à jouer pour apaiser les tensions dans le clan ou une violence qu'il faut contenir. « Le monde entier parle, chante et partage des codes. »Avec cet ouvrage, Carl Safina élargit son enquête sur les émotions amorcée dans Qu'est-ce qui fait sourire les animaux ? (La Librairie Vuibert, 2018) qui avait frôlé les 5 000 exemplaires. Il le fait avec ce sens particulier du récit de vulgarisation à l'anglo-saxonne qui distille les connaissances à travers un grand reportage où interviennent des chercheurs, non pas dans leurs laboratoires, mais sur le terrain, auprès de ces créatures pas si bêtes. « Le monde animal est, dans une large mesure, un monde de femelles. La beauté mâle est le résultat de millions de générations de sélectivité des femelles. Les mâles leur font la cour parce qu'ils y sont obligés. Une poule préfère le coq le plus tape-à-l'œil. Elle choisit. Darwin a été le premier à le constater. Mais il a ensuite consigné une question plus profonde : comment ? Comment la poule détermine-t-elle quel est le plus beau coq, quel est le meilleur chanteur ? »

C'est en effet en voulant répondre à ce type de questions que l'on s'embarque dans le plus passionnant des voyages, un périple où l'on constate que la perception de la beauté sur Terre n'est pas qu'humaine et que la culture joue aussi son rôle dans le petit miracle de la vie.

Carl Safina
A l'école des animaux Traduit de l’anglais (États-Unis) par Odile Demange
La Librairie Vuibert/Buchet Chastel
Tirage: 15 000 ex.
Prix: 24,90 € ; 544 p.
ISBN: 9782283035153

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