Dipinto di blu. Il y a dix ans disparaissait trop précocement celui qui fut sans conteste l'une des grandes figures de l'édition française contemporaine, Jean-Marc Roberts. Depuis, avec constance, il manque. À ses auteurs, à ses lecteurs (car de l'écrivain qu'il était aussi reste le parfum entêtant d'un charme profondément singulier), à un monde éditorial dont il avait su demeurer le fils éternellement rebelle et plaisamment insolent, à ceux qui l'aimaient, à ceux qui l'aimaient moins, tant son vif-argent leur demeurait un horizon inaccessible.

Dix ans, mais le temps ne fait rien à l'affaire. Il est toujours là, le Roberts. Là où il doit être : entre des pages. Le regretté Vassilis Alexakis, Philippe Claudel, Jean-Marc Parisis ont chacun à leur façon payé leur écot à sa lumineuse maïeutique. Voici venu aujourd'hui le tour de Capucine Ruat qui sut être à ses côtés pour l'aventure de « La Bleue » chez Stock, mieux et plus qu'une disciple, une complice, reconnaissante et non comme on pouvait vaguement le craindre confite en dévotion. Ruat écrit comme emportée par le vent des souvenirs. Et sous sa plume, Roberts, c'est à la fois pleinement Roberts et beaucoup plus que Roberts. C'est le mystère de l'équation amoureuse entre un livre et son lecteur premier, les champs magnétiques qui innervent l'étrange métier d'éditeur. À cette fin, l'autrice s'en va fureter au large de son sujet, tant vers les étapes du processus créatif menant à la publication d'un roman (un premier, de surcroît), que vers quelques grandes figures de l'édition française, à commencer par celle du mentor de Roberts, tout aussi malaisément écrivain et éditeur que lui, statue du commandeur bienveillante, Jean Cayrol. Tout se mélange, rien ne se perd et rien ne s'oublie. Les chagrins, les angoisses comme la joie. Tout finit par n'être plus que la persistance d'un vague refrain de ces chansons qu'adorait Roberts. Qui disent un truc très précieux et fragile, un désir jamais éteint de voler, de chanter, dans le bleu peint en bleu. Nel blu dipinto di blu.