Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Claire Lancel est écrivaine et inculpée pour tentative de meurtre sur son conjoint, Gilles Fabian. À la ville, le couple semblait pourtant « heureux comme nous rêvons tous de l'être », aux dires des témoins appelés à la barre. « Enfin, elle était plus connue que lui, parfois ça le dérangeait, mais rien de grave », tempère Georges, un ami de Gilles. La jalousie de Gilles, dont elle est folle amoureuse, avait alerté Claire, sans l'inciter pour autant à s'en éloigner. Gilles n'apprécie pas qu'elle sorte sans lui, « même avec des femmes ». Devant son prénom, il accole systématiquement le possessif « ma » : « ma Claire ». Parce qu'elle rêve d'une maison dans le Sud, il l'incite à vendre son appartement parisien. C'est dans le jardin de cette maison, à Hyères, que Claire sera interpellée, couverte de sang, assise sur la souche d'un arbre qu'elle adorait. Quelques minutes plus tôt, elle avait découvert dans le secrétaire de l'entrée une lettre révélant le secret de Gilles. Gilles n'avait pas respecté la promesse qu'ils s'étaient faite un soir, lors d'un dîner face à la mer. « Je voudrais que tu me promettes de ne pas me trahir », lui avait demandé Claire, après avoir promis à Gilles de ne jamais écrire sur lui. « À mes yeux, c'était facile de tenir cette promesse, très facile. Pourquoi ? Parce que les gens heureux n'ont pas d'histoire [...] La seule matière de la littérature, c'est le chagrin. Ou la passion, ce qui revient au même, au bout d'un moment. Or moi, sincèrement, depuis le premier jour je ne voyais pas comment cet homme, cette merveille d'homme, pourrait jamais me faire souffrir. L'évidence de l'amour heureux, comment la raconter ? »

Ta promesse est le récit d'une emprise et d'un aveuglement : l'emprise d'un homme dénué d'empathie, l'aveuglement d'une femme en quête d'absolu. « Claire Fabian. Ça sonne bien. Tu en as assez d'être toi-même, tu as envie de changer de peau, de nom. Tu aimes l'idée de te quitter pour lui. » En déroulant la chronologie d'un drame qui d'une passion amoureuse évolue vers le glaçant portrait-robot d'un homme « sauveur puis bourreau », Camille Laurens déconstruit de manière implacable les rouages de la manipulation et de la jalousie. Des pièges dans lesquels son lecteur se sent, à mesure que l'intrigue dévoile la psychologie de ses deux protagonistes, susceptible de tomber. Si la force du récit est décuplée par les différents points de vue (chacun livrant sa version du couple formé par Claire et Gilles), elle découle également de la hauteur de son regard sur une société peu à peu désertée par le sentiment d'empathie, essentiel à l'amour de soi et de son prochain.