L’histoire suit deux enfants. Une jeune fille, sourde, qui réside dans une immense maison près de New York, surprotégée par son père autoritaire, délaissée par sa mère, vedette à Broadway. Elle vit cette enfance malheureuse en 1927. Et il y a l’orphelin Ben, qui grandit dans les années 1970 au fin fond des Etats-Unis, et qui va perdre l’ouïe par accident. A priori rien ne devrait les réunir : ni la géographie, ni l’époque…
Livre jeunesse et mélodrame cinématographique, Le musée des merveilles est réédité ce mois-ci chez Bayard jeunesse dans une très belle édition, illustrée de dessins en noir et blanc.
Le film sort sur les écrans français ce 15 novembre. Il avait été présenté en compétition au Festival de Cannes en mai dernier, où nous avions rencontré son auteur et scénariste.
Livres Hebdo : Comment avez-vous imaginé cette histoire, étalée sur deux époques distinctes ?
Brian Selznick : L’idée m’est venue après Hugo Cabret, mon premier livre. J’ai d’abord eu la structure narrative en tête : deux histoires parallèles, dont l’une était racontée sous la forme de dessin et qui n’avait pas de rapport avec celle qui était écrite. Et puis j’ai eu ce titre, Wonderstruck. Tout s’est déclenché quand j’ai vu un documentaire sur les malentendants, Through Deaf Eyes. A partir de là, j’ai pu intégrer ma fascination pour le cinéma muet de Méliès, la magie d’Houdini en situant le récit dans les années 1920. Puis j’ai eu l’idée des deux pannes d’électricité, et j'ai intégré celle très connue de 1977, à New York. Mais pour moi, soyons clairs, Le Musée des merveilles était inadaptable justement à cause de cette structure narrative.
Contrairement à Hugo Cabret, vous avez pourtant écrit vous-même le scénario, ce qui n’est pas si courant dans le cinéma américain.
Ce n’est pas venu de moi. On m’a demandé d’écrire le scénario et je me suis lancé. Et c’est un exercice très difficile, exigeant et qui prend du temps. Au début, à chaque version, les producteurs disaient toujours oui, ne faisaient aucune remarque. Jusqu’à la version finale : là on m’a fait une réponse avec des dizaines de remarques. Ils voulaient que je réduise de moitié une partie du script. Ils me rappelaient qu’un film devait avancer à chaque scène vers son épilogue. Ainsi la semaine au musée dans le livre se transforme en une seule nuit dans le film. Il fallait aussi que je précise pour le réalisateur ce que Ben voyait autour de lui quand il arrive à New York. Au fil des corrections, le nombre des commentaires se réduisait. Mais pour moi, parfois, je passais une journée à retirer une simple phrase.
Vous considérez que le film est fidèle au livre ?
C’est très fidèle au livre mais le producteur m’avait prévenu qu’à cause du budget, il fallait trouver des moyens pour contourner les problèmes comme ce long flash-back que j’avais imaginé lorsque Rose donne la lettre à Ben [Todd Haynes a finalement utilisé un Diorama pour raconter le contenu de cette lettre, ndlr].
En dehors du scénario, êtes-vous intervenu dans le film ?
Sur Hugo Cabret, je n’étais qu’observateur, un observateur privilégié. Mes dessins avaient été utilisés pour le story-board mais Martin Scrosese avait transformé l'histoire pour se l'approprier. Cette fois-ci j’étais sur le tournage. Un jour, alors que je n’étais pas à côté du plateau, Todd Haynes m’a fait appeler: un acteur voulait une précision sur le sens d’une phrase. Il a répondu au comédien : « voilà, vous avez l’auteur, posez-lui la question ? » (sourire) Sinon j’ai écrit le mot de Danny dans le livre et réalisé le dessin de Ben. C'est très difficile de dessiner comme un enfant!
Quelle est pour vous la différence entre le livre et le cinéma ?
Un livre, à chaque fois qu’on tourne la page, c’est un nouveau rideau qui se lève. Alors qu’au cinéma, les scènes s’enchaînent. Et avec un smartphone, c’est pire, on ne peut que zapper.