0 false 21 18 pt 18 pt 0 0 false false false /* Style Definitions */ table.MsoNormalTable {mso-style-name:"Tableau Normal"; mso-tstyle-rowband-size:0; mso-tstyle-colband-size:0; mso-style-noshow:yes; mso-style-parent:""; mso-padding-alt:0cm 5.4pt 0cm 5.4pt; mso-para-margin:0cm; mso-para-margin-bottom:.0001pt; mso-pagination:widow-orphan; font-size:12.0pt; font-family:"Times New Roman"; mso-fareast-language:JA;} Bingo le Hobbit Les héritiers de Tolkien et Harper Collins, « leur » éditeur, viennent d’attaquer Warner Bros en raison de la création de jeux en ligne et de machines à sous, produits pour lesquels les droits n’avaient pas été cédés au sein du contrat d’adaptation audiovisuelle de Bilbo le Hobbit. En droit français, toute exploitation d’une œuvre en dehors du cadre contractuel est juridiquement une contrefaçon. Rappelons en effet que la rédaction d’une clause de cession de droits est un exercice difficile. Les spécialistes du droit d’auteur parlent de «champ d’exploitation des droits cédés» et de principe d’interprétation restrictive des cessions. Ces deux expressions sont d’une égale laideur. Mais elles désignent peu ou prou une même règle, intangible, que l’on peut traduire ainsi : tout ce que l’auteur ne cède pas expressément au contrat lui est réservé. Fort de ce principe, une toute première difficulté de rédaction est liée aux fameuses notions de droit de reproduction et de droit de représentation. Rappelons en effet que l'article L. 122-1 du Code de la propriété intellectuelle (C.P.I.) dispose que « le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction ». Aux termes de l'article L. 122-2 du C.P.I., «La représentation consiste dans la communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque ». L’article L. 122-3 du même code précise que, par une sorte d’opposition au droit de représentation, « La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte ». Pour faire simple, la représentation englobe l’adaptation théâtrale, la récitation ou encore la diffusion d’une adaptation audiovisuelle, tandis que la reproduction couvre l’édition en volume, la vente d’un DVD, la fabrication de matériel de papeterie, etc. Les deux concepts s’entremêlent souvent : la projection en salles d’un film tiré du livre met en jeu le droit de représentation ; la location d’un DVD du même film relève du droit de reproduction. Et la diffusion de cet enregistrement sur le réseau interne d’un hôtel concerne à nouveau le droit de représentation… Les notions de droits de reproduction et de représentation sont incontournables, même si la pertinence de ces deux catégories juridiques a été encore plus malmenée par l’irruption du numérique. Bien malin en effet qui peut sans coup férir affirmer que les réseaux et leurs multiples modes d’utilisation appartiennent à la seule notion de représentation ou à celle de reproduction. La jurisprudence elle-même reste assez timorée, voire imprécise, sur cette question. Or, l’article L. 122-7 du C.P.I. dispose notamment que « la cession du droit de reproduction n'emporte pas celle du droit de représentation. Lorsqu'un contrat comporte cession totale de l'un des deux droits visés au présent article, la portée en est limitée aux modes d'exploitation prévus au contrat ». En pratique, il est plus judicieux pour l’éditeur de viser dans une même formule introductive que « l’auteur cède le droit de reproduction et le droit de représentation », avant d’énumérer la totalité des supports existants, sans distinguer précisément ceux qui relèvent de la représentation et de la reproduction. L’article 131-3 alinéa 1 du C.P.I. précise que « la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ». Délimiter l’« étendue » signifie concrètement que l’éditeur doit viser tous les supports d’exploitation de l’œuvre qui sont susceptibles de l’intéresser. Faute de quoi, tous ce qui n’a pas été mentionné ne peut être commercialisé ou cédé à un tiers : seul l’auteur en détiendra les droits. C’est pourquoi les contrats ressemblent à de longs inventaires. Il faut citer l’édition courante, mais aussi de poche, en club, l’édition illustrée, en fascicules, en gros caractères, etc. Et chaque famille de supports sera traitée par la même litanie. La jurisprudence est particulièrement scrupuleuse dans ses exégèses. Il a été jugé dès 1908 par la Cour d’appel de Paris que le droit d’éditer en plusieurs « épisodes » ne permet en aucun cas de réunir le tout en un seul recueil. La situation inverse a même été plaidée, avec succès pour l’auteur, en 1882 : l’autorisation de publier un volume n’emporte pas celle de décliner l’œuvre en plusieurs livraisons. En 1994, la Cour de cassation a rappelé fermement que la cession des droits par un éditeur à un club n’est possible que si l’auteur y a expressément consenti dans le contrat initial. Cette analyse vaut aussi pour les formats ou encore, en bibliophilie, pour les papiers. En 1982, la Cour de cassation a considéré qu’un auteur pouvait valablement confier à un éditeur les droits pour un volume contenant des dessins et des textes et à une autre maison les dessins seuls, dans un format et sur un papier différents… Autant dire que les formules magiques de type « tous droits cédés » ou « tous droits de reproduction et de représentation » sans plus de détails sont considérées, par les juges, au mieux avec ironie, au pire susceptibles de lourdes sanctions. Quant à l’incantation messianique qui vise les « supports futurs » ou « à venir », elle n’est légale que sous de draconiennes conditions. L’article L. 131-6 du C.P.I. dispose en effet que « la clause d'une cession qui tend à conférer le droit d'exploiter l'œuvre sous une forme non prévisible ou non prévue à la date du contrat doit être expresse et stipuler une participation corrélative aux profits d’exploitation ». Il sera donc impossible de se réfugier derrière une telle clause pour s’autoriser à exploiter des supports qui existaient déjà au jour de la signature, même si le marché n’y avait pas encore prêté grandement attention. Par exemple, aucun magistrat ne pourra considérer qu’une telle formule couvre aujourd’hui la diffusion d’un texte sur une liseuse ou un téléphone mobile. Une veille technologique assidue et la mise à jour régulière des contrats sont donc de rigueur. De plus, aux termes du C.P.I., il faut fixer un pourcentage en contrepartie de la cession de droits… pour une exploitation dont l’éditeur est bien en peine d’imaginer la forme et a fortiori l’économie. C’est pourquoi il est sans doute plus judicieux de conserver la formule « tous supports à venir » et de renvoyer les parties à une négociation ultérieure qui interviendra le cas échéant, « de bonne foi, selon les futurs usages et le futur état du marché ». Desbois, le grand théoricien de la propriété littéraire et artistique, résumait le problème de la rédaction des clauses de cession en affirmant qu’elle se devaient de répondre aux questions suivantes : Quoi ? Comment ? Pour qui ? Pour quoi ? Quand ? Où ?