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Belgique : dans l’attente d’un repreneur, Filigranes « ne baisse pas les bras »

La librairie Filigranes à Bruxelles. - Photo Marc Filipson/Filigranes

Belgique : dans l’attente d’un repreneur, Filigranes « ne baisse pas les bras »

La première librairie de Belgique a annoncé cette semaine son placement en « procédure de réorganisation judiciaire ». Après des années de gestion complexe et une dette d'environ 3 millions d'euros, Filigranes a quatre mois pour trouver un repreneur. La direction et les libraires restent optimistes et veulent montrer leur motivation à faire vivre cette institution belge.

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Par Dahlia Girgis
Créé le 20.09.2024 à 15h57

La principale librairie belge Filigranes recherche d’ici quatre mois un repreneur. L’entreprise a connu plusieurs crises ces dernières années, qui ont notamment mené à deux plans de restructurations avec une baisse « d'environ 40 % des frais de personnel », ainsi qu’à la diminution progressive de son stock (d’environ 1 million d’euros) depuis l’arrivée en mai 2022 de la directrice générale Véronique Croisé.

Quelques mois après son entrée en fonction, Véronique Croisé constate néanmoins des pertes financières trop importantes, la société étant passée en fonds propres négatifs (les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié de son capital social). Pour éviter de se retrouver en faillite, la direction a demandé la protection du tribunal en décembre 2023.

Une « procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) silencieuse » a été accordée le 11 janvier 2024 : les fournisseurs ont été prévenus et la dette d’environ 3 millions d’euros de Filigranes figée. Un plan de remboursement des créances a été mis en place sur cinq ans, mais l’entreprise « toujours en perte » selon sa directrice a été contrainte d’officialiser cette semaine sa PRJ pour trouver un repreneur.

« La porte est ouverte à toutes les solutions, plusieurs personnes sont potentiellement intéressées pour reprendre l’entreprise et un crowdfunding (campagne de financement) peut-être envisagé », confie Véronique Croisé à Livres Hebdo. Le tribunal va désigner ces prochains jours un praticien pour gérer les différentes suggestions.

Une accumulation de problème

La librairie qui compte trois points de ventes à Bruxelles, Ixelles et Knokke-Heist, a souffert d’un « ensemble de causes externes et internes », explique la directrice. Parmi ces causes, elle énumère un problème de mobilité autour du magasin qui a réduit le trafic, la fin de la tabelle en 2021 qui a provoqué « une diminution des marges de 8 % » avec le différentiel de TVA entre la France et la Belgique ou plus globalement l’inflation dans le pays.

La gestion du fondateur et ancien directeur Marc Filipson est également soulevée. Devenu responsable de la politique éditoriale de Filigranes en 2022, il reconnaît aujourd’hui « être un rêveur, mais pas un gestionnaire ». En décembre 2021, une quarantaine d’employés de la librairie avaient déposé une demande d’intervention psychosociale en raison d’un management toxique.

Depuis l’arrivée de Véronique Croisé à la tête de la librairie, la situation est revenue à la normale. « À son arrivée, le harcèlement s’est calmé, mais nous avons vu la situation financière de la boîte péricliter puisque depuis des années ça allait mal », explique Emma Ordonez Carrocera, cheffe du rayon jeunesse et déléguée syndicale FGTB, également jointe par Livres Hebdo. Libraire au sein de l’établissement depuis 10 ans, elle regrette « plein de facteurs différents... tout le monde est témoin de la crise du livre et de la crise globale avec la hausse de l’inflation ».

Pour Marc Filipson, cette affaire a eu des répercussions supplémentaires sur la situation financière de l’entreprise : un « bashing a eu lieu ensuite puisque des auteurs et certains attachés de presse » ont refusé de travailler avec Filigranes. Résultat, le chiffre d'affaires de la première librairie belge, selon le classement 2024 de Livres Hebdo, est en baisse de 6,7 % sur un an pour atteindre 11,57 millions d'euros en 2023.

Mélissa Da Costa et Delphine Minoui attendues la semaine prochaine

Dans l’attente d’un potentiel repreneur, Marc Filipson veut « montrer que nous ne baissons pas les bras ». Le fondateur entend multiplier le nombre de rencontres et dédicaces au sein de la librairie. La semaine prochaine, Filigranes attend les écrivaines Mélissa Da Costa et Delphine Minoui.

L'ancien directeur veut ajouter une douzaine de rencontres dans les semaines à venir. Il aimerait également reprendre fin octobre les soirées caritatives abritées par Filigranes, où 20% des recettes totales des ventes réalisées, et 100% des recettes du bar, sont reversés à une œuvre invitée.

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Mélissa Da Costa est attendue pour une rencontre dédicace la semaine prochaine.- Photo MARC FILIPSON/FILIGRANES

Après avoir fondé il y a près de 40 ans Filigranes, Marc Filipson commente : « J’ai commencé tout seul, mais j’ai une équipe autour de moi ». Les salariés de l’entreprise, environ 70 répartis entre employés et contrats étudiants, ont appris la nouvelle cette semaine.

« Le sentiment commun très présent est notre envie de continuer, l'envie de faire partie prenante du futur projet avec un potentiel repreneur », insiste Emma Ordonez Carrocera. La prochaine échéance pour Filigranes est dans quatre mois, et si un repreneur vient, ce sera en janvier 2025 avec le déménagement de la librairie de l'avenue des Arts, déjà réduite de 2 400 m2 à 1 800 m2.

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