BD/États-Unis 16 janvier Tillie Walden

Publié en France par Gallimard BD en novembre 2017, Spinning (Spirale), récit autobiographique dans lequel l'Américaine Tillie Walden raconte, sur 400 pages, sa dure adolescence de patineuse artistique de haut niveau se découvrant parallèlement homosexuelle (1), a révélé une artiste de très grand talent. Sur un rayon de soleil, qui reprend sur 544 pages le feuilleton On a sunbeam, qu'elle a produit en ligne en 2016 et 2017, le confirme avec éclat. Non seulement la jeune Texane - elle est née en 1996 - investit un univers - celui de la science-fiction - où les femmes sont très rares, en littérature comme en littérature graphique, mais elle l'aborde avec un œil radicalement neuf et des propositions singulières à plusieurs titres.

L'espace selon Tillie Walden n'est plus structuré par des planètes mais, dans une noirceur constante et infinie, à peine rompue par le scintillement des étoiles, par leurs restes errants, des fragments de planète, des îles ou des îlots flottants plus ou moins construits, plus ou moins habités entre lesquels une humanité résiduelle, peu nombreuse mais évoluée, circule à bord de vaisseaux mi-baleines, mi-oiseaux. L'espace selon Tillie Walden, c'est aussi, exclusivement, un univers de femmes, et même de femmes jeunes quels que soient leur statut et leur antériorité dans l'existence, l'univers de l'auteure, suppose-t-on. L'espace selon Tillie Walden, c'est une immensité inatteignable, sans limites, au sein duquel des individus se déchirent pour des raisons pas toujours explicites dans une perpétuelle tension.

Tout juste diplômée, la jeune Mia est affectée à une équipe chargée de réparer et de restaurer les structures architecturales délabrées divaguant dans l'espace. L'autoritaire Alma, la discrète Char, l'instable Julie et le mystérieux Elliot, muet à l'identité indéterminée (ce n'est ni « il », ni « elle », mais « iel ») et à la forte compétence en électronique vont d'une mission à l'autre, posant leur vaisseau sur une structure ou l'autre pour un chantier de quelques jours ou de plusieurs semaines. Tout en faisant la connaissance de ses collègues entre lesquelles se sont tissées des relations complexes, mélange de tendresse et d'agressivité, elle se remémore sa rencontre, cinq ans auparavant, avec Grace, avec laquelle elle a vécu, dans l'internat spatial où elles faisaient leurs études, un amour profond et une séparation brutale et infiniment douloureuse.

L'intégration de Mia dans un nouveau réseau relationnel, sa nostalgie d'un grand amour et le contexte, également conflictuel, dans lequel il avait éclos : l'auteure enchevêtre les deux récits jusqu'à ce que, à la suite d'un concours de circonstances, ils se fondent dans le projet de Mia de partir à la recherche de Grace. Elle enrôle ses nouvelles amies dans sa quête, déployant la vision d'un monde sans cesse menacé par l'hystérisation des relations humaines, mais prêt au salut lorsque celles-ci sont sublimées par le collectif.

(1) Voir « Danse avec les louves », LH 1146, du 20.10.2017, p. 47.

Tillie Walden
Sur un rayon de soleil - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alice Marchand
Gallimard
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 29 euros ; 544 p. en coul.
ISBN: 9782075108829

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