avant-portrait > Jean-Acier Danès

A 18 ans, Rimbaud, qui ne se voyait pas "sérieux", avait quasiment achevé sa carrière de poète. Au même âge, Jean-Acier Danès commençait la sienne de romancier. L’analogie s’arrête là. Mais, pour un fou de littérature comme lui, elle n’est pas hors contexte. La preuve. Alors que d’autres de ses contemporains ne jurent que par les réseaux "sociaux", lui, en 2015, s’est lancé dans une aventure peu commune. "J’étais en classe prépa de lettres, raconte-t-il. Et, alors que je ne suis pas cycliste à la base, je faisais du vélo pour me détendre. J’ai eu l’idée, pour célébrer mon anniversaire et l’été qui arrivait, de partir faire un tour de France des maisons d’écrivains. Puis, le projet a évolué." En fait, ce qui intéresse le jeune homme, ce n’est pas tant la vie des auteurs célèbres que les endroits qui les ont inspirés. Valéry à Sète, Rousseau au lac d’Annecy, Claudel à Brangues, Hugo à Paris et à Montreuil-sur-Mer (dont Jean Valjean, dans Les misérables, est le maire), Proust à Illiers-Combray, Cendrars à Bordeaux… Autant d’étapes de cette géographie littéraire inédite, qu’il rallie grâce à Causette, sa bicyclette, dont le nombre de vitesses commandera le nombre de chapitres du livre à venir : onze.

Acte de naissance

A l’origine, Jean-Acier Danès prend des notes et des photos, tient un carnet numérique sur sa page Facebook, "aujourd’hui fermée, car ça pourrait parasiter le livre". Non point un carnet de voyage traditionnel, "mais l’écriture de chaque texte était inspirée du monde de l’auteur que j’allais visiter. Le voyage confirmait l’expérience du lecteur." Il se constitue une petite communauté d’abonnés et, en mai 2017, il est repéré par une journaliste de 20 Minutes Lyon, ville où la famille Danès, qui a pas mal bourlingué, s’est fixée, qui lui consacre son premier article. D’autres suivront, dont un dans ActuaLitté. Ainsi, il est contacté par une dizaine d’éditeurs : JC Lattès, Albin Michel, Equateurs ou le Seuil, où Frédéric Mora le "signe". "Mais je n’avais pas de texte !" dit-il, absolument pas grisé par son histoire. Il s’attelle à la tâche et finit son livre en quelques mois. "Un roman", il y tient. "Ce n’est pas le côté sportif qui me motive, même si… Mon livre, c’est le chemin d’un lecteur, d’un étudiant qui se confronte avec un écrivain qu’il a lu et admire. C’est aussi l’acte de naissance d’une volonté d’écrivain." N’oublions pas son prénom, unique. Il ignore pourquoi ses parents le lui ont donné, mais il l’amuse et lui correspond bien : cet "Acier"-là, en dépit de son jeune âge, est "un caractère bien trempé".

Seul le plus souvent, ce qu’il préfère, ou accompagné parfois d’une certaine Fleur, "la reine de la route", ou de l’ami Django, médecin-guitariste manouche, il a parcouru des milliers de kilomètres. Et il repartira, dès janvier, sur les traces de Cendrars, son grand homme, sur lequel il prépare un master à la Sorbonne. Quant à la suite, il a d’autres "romans" en tête, mais préfère ne pas en parler. "Je ne suis pas pressé." Mens sana in corpore sano, de toute évidence. Puisse Jean-Acier Danès faire école.

Jean-Claude Perrier

Bicyclettres de Jean-Acier Danès, Seuil. Prix : 17 euros, 176 p. Sortie : 25 janvier. ISBN : 978-2-02-137913-6

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