De sa naissance à Duluth, dans l’Etat de Minnesota, à la Maison-Blanche, pour la remise de la médaille présidentielle de la Liberté des mains de Barack Obama, le premier Président noir des Etats-Unis… Quel parcours pour ce chantre des Civil Rights, chanteur de la contestation contre la guerre du Viêt-Nam, et surtout héraut d’une folk music élevée au rang de grand art ! En 2016, Dylan se voit en plus décerner le prix Nobel de littérature "pour avoir créé de nouveaux modes d’expression poétique". Les articles pleuvent. Quant aux biographies et documentaires ils n’ont jamais cessé. Alors encore écrire sur l’auteur de Like a rolling stone ? La gageure ne saurait être tenue que par l’écriture même. Antoine Billot l’a fait, qui publie à la rentrée L’année prochaine à New York dans la collection "La rencontre" chez Arléa.
Cette rencontre-là n’a pas fini de se poursuivre à l’instar du never ending tour, la "tournée sans fin", de Dylan. Le futur universitaire (mathématicien de formation, l’économiste travaille sur "la théorie des ensembles flous" - une tentative de rationalisation du vague) et écrivain (il est l’auteur de huit romans chez Gallimard) découvre, à 17 ans, Bob Dylan. En incipit de son livre, il décrit son premier concert en 1978 : "Une courte silhouette de strass et de cuir vêtue au visage auréolé de roux, laquelle silhouette entourée d’une phalange de musiciens et de chanteuses au teint bistre semblait chaque seconde se féliciter de dérouter les fidèles de son église en refusant de leur livrer la parole sacrée qu’ils étaient venus entendre dans les termes pieux qu’ils attendaient depuis si longtemps, une silhouette minuscule sous le chapiteau qui oscillait avec moult gestes étranges des épaules et de la tête devant une brassée de micros cependant que derrière elle deux batteurs subtils comme des bûcherons à l’abattage se faisaient de réduire en marmelade scandée ce timbre nasal et ce phrasé discontinu qui signaient autrefois son chant."
Antoine Billot s’est souvent approprié les vies de personnages historiques, tels Barrès ou le Léon Blum homme de lettres. Ici néanmoins l’auteur du Désarroi de l’élève Wittgenstein (Gallimard "L’un et l’autre", 2003) étonne car c’est à un ultra contemporain Bob Dylan qu’il se consacre, "l’enfant naturel du Dust Bowl et de la Dépression, des Noirs sans droits et des ouvriers sans travail", "l’Orphée synthétique des temps nouveaux". Et l’on n’a pas tant affaire à une biographie qu’à une généalogie, s’insinuant dans les méandres du passé de la famille de Robert Allen Zimmerman alias Bob Dylan - des Juifs d’Ukraine et de Lituanie fuyant les pogroms. Le portrait en creux d’une Amérique, terre de migrants dont la poussière de l’exil constitue le terreau même de la création, est audacieusement servi par une plume au baroquisme assumé. Sean J. Rose