Auteur et directeur de collection : le double jeu

James - Photo DR

Auteur et directeur de collection : le double jeu

Plusieurs auteurs passés de l'autre côté du miroir dirigent parallèlement une collection chez un éditeur. Est-ce un atout ou un handicap ? Témoignages de James, Fred Blanchard et Christophe Arleston.

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Par Benjamin Roure,
Créé le 17.01.2019 à 21h40

Lewis Trondheim fait mousser son « Shampooing » chez -Delcourt, Hervé Richez -regarde Bamboo en « Grand angle », Barbara Canepa « Métamorphose » Soleil... Nombreux sont les auteurs qui, tout en conservant leur activité, ont rejoint un éditeur en tant que directeur de collection, imposant un style et une galaxie de créateurs. «  J'avais observé que de nombreuses collections chez Delcourt existaient depuis longtemps, et il était important pour moi de construire une relation sur le long terme  », explique James, qui a lancé « Pataquès » à la rentrée dernière chez Delcourt. Il s'attaque au genre humour, dans la lignée de   la revue numérique Mauvais Esprit qu'il animait. «  Mon côté militant me pousse à faire vivre cette BD issue du comic strip et du dessin de presse, même si c'est un genre difficile à vendre. Guy Delcourt et moi nous sommes mis d'accord sur le nécessaire apport d'un regard sur la société dans les livres de Pataquès.  »

Christophe Arleston- Photo DR

« C'est chronophage »

Le mouvement qui a fait naître « Pataquès » est représentatif : la rencontre d'un éditeur à la recherche de nouveaux horizons et d'un auteur prêt à donner une couleur à une ligne -d'albums. «  Mais il faut prendre garde à ne pas faire de bande dessinée par procuration  », prévient Fred Blanchard, qui dirige Série B chez Delcourt depuis 1995 - label qui tend d'ailleurs à s'éclipser au profit de projets sans logo identifiant ou de séries concepts telles que Jour J, ou L'homme de l'année. « J'ai toujours aimé la position de directeur artistique, au carrefour de différents -métiers, de la constitution d'une équipe d'auteurs jusqu'aux discussions avec les représentants. Avec un rôle de conseiller au fil de la création », note Fred Blanchard. Mais cela laisse-t-il du temps pour écrire et dessiner ? « C'est plus chronophage que je ne le pensais, avoue James. Faire le chasseur de têtes, suivre les projets et affronter la partie commerciale occupe énormément. » Et ce, en étant rémunéré en droits d'auteur, sur les ventes. «  Je ne fais pas ça pour l'argent : je reste auteur !  », coupe James. Max de Radiguès, lui, sera salarié un jour par semaine pour préparer la future collection young adult de Sarbacane. Un cas rare.

Christophe Arleston- Photo DR

« Le plus beau contrat standard du marché »

Pour Drakoo, Christophe Arleston sera aux droits d'auteur. Mais il a aussi des parts dans ce nouveau label détenu en majorité par Bamboo. Avec la fin de Lanfeust Mag, le créateur de l'univers Troy retrouve du temps pour mener des projets à taille humaine. «  Je suis assez nostalgique du Soleil d'avant 2008, qui n'était pas encore trop gros, glisse-t-il. Je retrouve ça chez Bamboo. Et son patron, Olivier Sulpice, dont on m'a toujours vanté le côté réglo, me laisse les mains libres et me donne du temps. C'est primordial.  » La relation de confiance avec le patron, encore une fois. Elle se joue aussi entre directeur de collection et auteur. «  Avoir signé plus de 200 albums, dont des mauvais, me permet de justifier mes remarques aux auteurs  », sourit Christophe Arleston, qui revendique une casquette de « script doctor » prêt à réécrire des séquences. Au contraire Fred Blanchard laisse, après discussion, la décision finale aux auteurs sur le contenu. «  Mais je sais d'expérience que s'ils n'écoutent pas mes suggestions, on ne fera pas un long chemin ensemble.  »

L'autre plus-value de confier les clés d'une collection à un auteur peut être dans la négociation des contrats : cela rassure tout le monde. «  Je suis chargé de trouver un compromis entre Guy Delcourt et les auteurs, mais ces derniers savent que je ne vais pas les embarquer dans un plan foireux », indique James. Parfois, cette bienveillance peut aller encore plus loin : en établissant les contrats de Drakoo, Christophe Arleston a fait réévaluer l'ensemble des contrats de Bamboo, car pour Olivier Sulpice, tout le monde devait être logé à la même -enseigne. «  On démarre à 12 % de droits d'auteur au premier exemplaire vendu, on monte à 13 % à partir de 20 000, et à 14 % à 40 000. C'est le plus beau contrat standard du marché : cela va faire une différence énorme pour tous ceux qui vendent entre 5 000 et 10 000 exemplaires. En tant que militant syndical au Snac [Syndicat national des auteurs et des compositeurs] et à la Ligue des auteurs, je suis fier de cette action ! Surtout qu'on peut imaginer que les autres -éditeurs vont devoir -s'aligner... » Une petite -révolution promue par ces auteurs à double casquette. W

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