Je sais, mon public aimé, que vous êtes très déçus pour le prix Femina. Pour autant, ce n’est pas la peine de bloquer la France entière ! Reprenez le travail ! Je vous en conjure. Je dois prendre le métro chaque matin pour aller sur le lieu de mon imagination (je change à Châtelet). Et puis Eric Fottorino, c’est vraiment un bon choix, je trouve. Mais c’est étrange toute cette course aux prix. Étrange d’avoir été dans la peau d’un auteur dans une dernière liste. Je peux comprendre les autres maintenant. Je me doutais que je n’étais pas favori, mais le matin, j’y pensais en me disant : sait-on jamais ? Il y a toujours une part de soi qui a envie d’y croire. Alors je peux comprendre l’énervement de Christophe Donner que l’on donne vainqueur, et hop, coup de tralala, Pennac sort du chapeau. Et puis je pense aussi à Olivier Adam, sur toutes les listes, frôlant le Goncourt, et puis au final « A l’abri de rien » n’obtient rien. Il aurait vraiment mérité un prix, je trouve. Bien sûr, il a beaucoup de lecteurs, une belle presse et une belle barbe, mais tout de même, je me sens très déprimé pour lui. Il ne me manquait plus que ça, vivre par procuration les déceptions des autres. Comme si les miennes ne suffisaient pas. Je reviens d’une petite tournée de trois Fnac : Caen, Nancy et Metz. Dans mon roman, je parle d’une rencontre à la Fnac où il n’y avait qu’une seule personne. Une femme qui avait, en fait, oublié ses clés et était condamnée à errer dans le magasin en attendant le retour de son mari. Je n’avais pas du tout pensé que cette scène aurait pu mettre mal à l’aise des organisateurs de débat à la Fnac… Aie ! C’est tout moi ça. Je fais un livre et je me mets à dos la Fnac ! Ça sent le sens inné de la stratégie commerciale ! Évidemment, pour moi, l’anecdote n’était pas liée à la Fnac, et j’ai de bons souvenirs de tous ces débats. Souvent, quand on fait un débat à la Fnac, on dérange tous ces jeunes qui lisent tranquillement des BD (j’ai même vu à Metz un ado qui lisait le dernier tome d’Harry Potter ; il venait tous les soirs lire quelques pages !). Je vois à leur tête : « merde, encore un écrivain qui va nous parler de son angoisse de la page blanche !» Non ! Moi, c’est le contraire. J’ai l’angoisse de la page noire. Je n’en peux plus. Je vis un enfer, soumis en permanence à la tyrannie de mon imagination. Je rêve d’une chose : arrêter d’écrire. Je veux dire : prendre des vacances de l’écriture. Ne plus avoir d’idées pendant quelques semaines. Ne rien faire : écrire un blog pour Livres Hebdo , par exemple. Au pire, si je n’arrive pas à arrêter, j’ai pris une décision : je vais écrire pendant 37 ans et demi. C’est mon régime spécial à moi. Et ainsi, je l’annonce dès maintenant, je publierai mon dernier roman à la rentrée 2039. On ne peut pas dire que je n’aurais pas prévenu les dames du Femina.
15.10 2013

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