Existe-t-il encore aujourd'hui une véritable critique littéraire, telle qu'elle s'est pratiquée de Sainte-Beuve à Paulhan, de Valéry à Barthes ou Blanchot ? La question se pose, avec Arnaud Viviant dans son incisif Cantique de la critique. À l'avènement du roman au XIXe siècle, concomitant de la démocratisation de la littérature, un Sainte-Beuve considérait le livre sous l'angle de l'art. À l'heure de la massification de la culture, « le chroniqueur le traite comme un événement ; le journaliste culturel le traite comme une information. »
Après avoir retracé sa genèse, Viviant, lui-même critique ou du moins chroniqueur et journaliste culturel (notamment au « Masque et la Plume ») mais pleinement écrivain (à l'érudition sémillante), analyse les différents aspects de ce drôle d'exercice qu'est « l'écriture de la lecture ». Il dénonce le tropisme démagogique qui voudrait que le coup de cœur du libraire, forcément au plus près du consommateur de livres, valût plus que le coup de griffe du critique éloigné du public. Il n'hésite à viser ad hominem : « une page d'Erik Orsenna peut assommer un cheval »... Cantique de la critique sonne comme l'avis de décès du critique en tant qu'« intellectuel collectif » à l'âge des réseaux sociaux : « Internet balkanise la critique ». Mais le cadavre bouge encore. Et « la critique, selon Viviant, survivra à la littérature en se déplaçant tel un chancre sur un autre objet ou en devenant simplement elle-même [...] la littérature. »
Cantique de la critique
La fabrique éditions
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 13 € ; 136 p.
ISBN: 9782358722216