29 octobre > Récit France

Ce beau livre commence avec un cheval de légende, Flying Fox, celui de François Denis, son père vénéré, officier du Cadre noir de Saumur. Et s’achève avec un autre, Mektoub, le dernier de Christine de Rivoyre, mort en 1986 à 32 ans. Et qu’on ne voie là rien d’anecdotique : l’écrivain - "et par pitié n’allez pas en faire une "écrivaine" ; elle n’aurait pas compris", dit-elle à propos de son amie Dominique Rolin, revendiquant la même position - est une écologiste convaincue, une grande amie des animaux à la manière de Brigitte Bardot, qu’elle admire, une végétarienne imprégnée de culture hindoue et qui, peut être, croit à la réincarnation.

Entre ces deux chevaux, quoi d’autre ? Juste une longue vie : la dame est née en 1921. Et un parcours d’exception. Après une enfance heureuse et assez rêveuse, l’apprentissage de la guerre et de la maladie, la voici qui part, en 1947, boursière, suivre une école de journalisme à Syracuse, New York. Elle y apprend son métier, tout en passant, aux yeux des Américains coincés, pour une "dangerous french girl". A son retour, elle devient attachée de presse du Ballet des Champs-Elysées, côtoyant et admirant tout le gotha de la danse : Babilée, Petit, Noureev, Balanchine et Cocteau. Après quoi, son ami Christian Merlin la fait engager au Monde, le grand, celui de Beuve-Méry, comme "courriériste". Elle y restera cinq ans seulement, avant de partir pour Marie Claire. "Soixante ans après, je le regrette encore", confie-t-elle. Même si, en tant que responsable des pages littéraires, elle y noue des amitiés indéfectibles : Michel Déon, qui l’introduit chez Plon pour son premier roman, L’alouette au miroir, en 1955, Félicien Marceau, avec qui elle découvre l’Italie, Maurice Druon, Edmonde Charles-Roux, François Nourissier, qui, lui, l’attire chez Grasset en 1964 pour Les sultans. Un livre qu’elle estime "mal foutu". Beaucoup d’académiciens, beaucoup de morts, tout comme ses complices du prix Médicis, Marcel Schneider, Alain Robbe-Grillet…

A partir d’un certain âge, écrire ses souvenirs c’est un peu comme se promener dans un cimetière. Dans celui de Christine de Rivoyre, il y a un carré intime, où reposent les hommes de sa vie, Sigismond et Alexandre Kalda, le flamboyant hippie homo devenu Archaka à l’ashram de Sri Aurobindo de Pondichéry, où il s’est suicidé dans la mer. En 1969, elle avait cosigné un livre avec lui, Le seigneur des chevaux (Julliard). On n’échappe pas à son karma. J.-C. P.

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