ETATS-UNIS

« Nous stockons actuellement moins de livres de l’éditeur Hachette que d’habitude, et nous ne prenons plus les pré-commandes sur les titres à venir » explique Amazon à propos de son différend avec la filiale américaine du groupe français, dans un communiqué. Il a été publié sur le forum des clients du Kindle, le terminal de lecture d’Amazon, le 27 mai au soir, deux jours avant l’ouverture de Book Expo America à New York.
 
Cette situation est due aux négociations en cours entre Hachette Book Group (HBG) et Amazon ajoute le communiqué, le premier publié à propos de cette querelle révélée début mai par le New York Times. Le texte prévient qu’il y a peu d’espoir de trouver une solution rapidement, en dépit d’un intense travail pour y parvenir.

Dans une déclaration à l'ironie contenue, HBG note qu'il est satisfaisant "de voir qu'Amazon reconnaît que ses décisions de gestion affectent significativement la vie des auteurs". "Nous ne ménagerons aucun effort pour reprendre des relations normales avec Amazon - qui est un grand partenaire depuis des années - mais selon des conditions qui valorisent d'une manière appropriée pour les années à venir le rôle unique des auteurs dans la création de livres, et celui des éditeurs dans la publication, le marketing, et la distribution de ces livres, en même temps qu'elles reconnaissent l'importance d'Amazon en tant que revendeur et innovateur", ajoute la branche américaine d'Hachette.

Réaction d'Aurélie Filippetti
 
Le gouvernement français a aussi pris fermement position. Dans un communiqué publié le 28 mai, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti «juge inacceptables les pratiques d’Amazon (...) Faire du chantage aux éditeurs en restreignant  l'accès du public aux livres de leurs catalogues pour leur imposer des conditions commerciales plus dures n'est pas tolérable. C'est une menace pour les éditeurs mais aussi pour les lecteurs et les auteurs, pris en otage.» Elle rappelle aussi l’objectif de la loi sur les frais de port votée en France mais actuellement examinée par la Commission européenne, qu’elle invite à «exercer toute sa vigilance pour prévenir des situations d’abus de position dominante si celles-ci étaient attestées en Europe».
 
Dans le monde du livre, les réactions sont globalement défavorables à Amazon depuis que cette querelle est sur la place publique, et celles du public sont assez partagées. Le groupe américain les qualifie de «points de vue étroits», et se propose d’offrir «une perspective plus large».

Bataille d'opinion
 
Le cybermarchand américain s’engage donc dans une bataille d’opinion, dans une présentation des faits apparemment neutre, mais pleine de sous-entendus. Amazon précise qu’Hachette fait partie d’un groupe de 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires (9,8 milliards de dollars, en fait, ou 7,2 milliards d’euros), pour indiquer qu’il ne s’agit pas d’une PME sans moyen.
 
«En dépit de beaucoup d’efforts de part et d’autre, nous n’avons pas été capables de trouver un accord acceptable pour les deux parties. Hachette a négocié de bonne foi et nous admirons l’entreprise et ses dirigeants» déclare même le groupe américain, en compétition pour le prix du fair play. Il complète avec quelques explications sur la vie des affaires entre fournisseurs et distributeurs, indiquant qu’il est légitime que chacun joue sa partie. Amazon ajoute toutefois qu’il agit ainsi dans l’intérêt de ses clients.

La tactique anti-consommateur d'Amazon
 
A l’attention des auteurs publiés chez Hachette, victimes de ce blocage et dont certains ont commencé à protester, Amazon propose de créer une sorte de caisse de compensation dont il serait prêt à financer la moitié, à condition qu’Hachette fasse de même. Une proposition que le groupe d'édition s'est dit "heureux" de pouvoir discuter avec le cybermarchand... une fois qu'un accord contractuel aura été trouvé entre les deux groupes.
 
Amazon dit aussi regretter les inconvénients causés à ses clients et les invite à passer ses commandes des livres d’Hachette Book Groug chez un des revendeurs de sa marketplace, ou même à aller chez un concurrent : une manière de montrer qu’il peut se priver de recettes au nom de ses bons principes, mais aussi se passer des livres de son fournisseur.
 
Ce communiqué n'entre évidemment pas dans les détails de la négociation, dont les conséquences affectent les ventes de livres papier d’HBG, mais pas celles des livres numériques, au coeur des discussions. Il est en effet impossible d’y créer une pénurie de stocks, ni d’inviter les clients à se fournir ailleurs : ils s’apercevraient que leur Kindle, ou son application sur d’autres appareils est verrouillée et ne leur permet pas de lire des ebooks achetés dans une autre librairie numérique.
 
Les commentaires sous ce communiqué sont fermés. En revanche, le 24 mai, sur ce même forum Kindle une certaine Esther Smith a ouvert une discussion intitulée «La lourde tactique anti-consommateur d’Amazon». «Je suis écoeurée par la façon dont Amazon bloque les livres de J. K. Rowling et d’autres auteurs d’Hachette et éditeurs avec lesquels Amazon a décidé d’en découdre. C’est un comportement révoltant, bien révélateur des manières d’Amazon et de son management, et qui dommageable pour ses clients» s’insurge-t-elle. Les commentaires sont très nombreux en dessous, près de 140 en fin de journée le 28 mai, plutôt d’accord au début, mais ponctués ensuite d’avis plus favorables au cybermarchand, au nom de la libre concurrence et de l’envie d’avoir des livres le moins cher possible.
 

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