Etats-Unis

Dans le dernier épisode de la série mondiale "négociations féroces avec les fournisseurs", Amazon reprend sans états d’âme le rôle du vilain. Depuis quelques semaines, le cybermarchand utilise tout un arsenal de mauvaises manières à l’encontre d’Hachette Book Group (HBG), la filiale américaine d’Hachette Livre : délais de livraison de deux à quatre semaines sur des auteurs importants (Malcolm Gladwell, James Patterson, J. D. Salinger…) en raison de ruptures de stock délibérées, suggestions directes d’achats de titres d’éditeurs concurrents, prix en hausse, etc., selon le New York Times qui a révélé l’affaire.

Au siège d’Hachette en France, on ne fait aucun commentaire. Aux Etats-Unis, une porte-parole d’HBG constate cette situation, assure que le groupe met tout en œuvre pour livrer les demandes de réassort au plus vite, et s’en tient là. Amazon ne répond rien, comme d’habitude.

Cette démonstration de son pouvoir de nuisance s’inscrit dans le contexte de la renégociation des contrats entre les multiples maisons du groupe (Grand Central, Hyperion, Little, Brown, Orbit…) et Amazon. HBG fut l’un des premiers à accepter en septembre 2012 une transaction avec le ministère de la Justice, qui poursuivait cinq des six principaux groupes américains et Apple pour entente sur les prix des livres numériques à l’encontre d’Amazon, rappelle Andrew Albanese, chef de rubrique à Publishers Weekly. Or cette transaction, qui prévoyait diverses obligations pour une durée de deux ans, prendra fin en septembre. Bien que la renégociation libérée des sanctions du ministère de la Justice ne concerne que le livre numérique, Amazon utilise le livre papier comme moyen de pression : il est devenu pour lui moins important que les ebooks, sur lesquels le cybermarchand a misé son expansion, autour du Kindle.

Hachette n’en est pas à son premier conflit avec Amazon : en Grande-Bretagne, un bras de fer sur les conditions commerciales a duré plus d’un an, entre 2008 et 2009. Le revendeur avait suspendu la commercialisation d’une partie des best-sellers du groupe, pour se servir des auteurs concernés contre leur éditeur.

Alors qu’Amazon était à ses débuts utilisé par les éditeurs américains comme un moyen de pression contre les chaînes Barnes & Noble et Borders, qui abusaient alors de leur puissance, le cybermarchand est aujourd’hui perçu comme un prédateur : "Chaque centime supplémentaire que nous donnons à Amazon l’aide à mettre un indépendant de plus en faillite", prévient un éditeur anonyme dans Publishers Weekly.

Hervé Hugueny

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