Présenté par l’auteur comme le plus autobiographique de ses romans, où "tout est vrai", et placé sous l’invocation de quelques grands maîtres spirituels, Kabîr, Rûmî, Tagore et autres, Hippie s’attache à un épisode de la jeunesse de Paulo Coelho, en 1970.
Cette année-là, le jeune Carioca de 23 ans, sous la double influence des L’Europe à 5 dollars par jour d’Arthur Frommer et du Matin des magiciens de Pauwels et Bergier, avait largué les amarres de son Brésil natal, dont il n’avait pas conservé que de bons souvenirs. En 1968, de retour d’un trip en Amérique du Sud avec sa petite amie de l’époque, une Yougoslave, donc "communiste", il avait été arrêté, enfermé et torturé par des nervis du régime, soupçonné de "terrorisme". Relâché ensuite, certes, mais traumatisé, et allergique à vie à tout ce qui porte uniforme, le jeune homme, comme bien de ses semblables de l’époque, fans des Beatles, de Mia Farrow et de Mahareshi Mahesh Yogi, avait décidé de gagner Katmandou, où assouvir sa soif de spiritualité, mener une existence différente de celle des générations précédentes, libres, nus, chevelus et planant dans les vapeurs de schnouffe. On caricature à peine.
La gare de triage vers ce paradis s’appelait Amsterdam. Voici Paulo sur place, qui rencontre une autochtone, Karla, complètement hippie, laquelle tombe illico amoureuse dingue de lui (sans réciproque, en dépit d’un flirt poussé), et l’embarque dans son rêve: un aller simple pour Katmandou en Magic Bus, compagnie de transport alternative et spartiate. Mais pour 70 dollars… Au volant, Rahul, un Indien hindou mystique (pléonasme), et Michael, un Ecossais qui a été médecin humanitaire, a failli devenir prêtre, avant d’aider son prochain autrement. Les autres passagers s’appellent Ryan et Mirthe, un couple d’Irlandais, Jacques et sa fille Marie, deux Français en rupture de ban, et quelques autres, dont les parcours nous seront racontés au fil des étapes. Autriche (où des nazillons et des policiers les accueillent à leur façon), Bulgarie, Yougoslavie, puis Istanbul, la porte de l’Orient et la plaque tournante de tout ce bazar. Une semaine de "vacances" y est prévue. Et c’est là, alors que Karla ne rêve que d’atteindre son but, que Paulo va rencontrer des soufis, et devenir leur disciple. Il restera un an. Leurs routes se séparent. Ils ne se reverront jamais.
Comme toujours chez Coelho, c’est dans la quête elle-même que réside le sujet du roman, plus que dans sa fin, d’ailleurs un peu frustrante. Et dans l’empathie pour les différents protagonistes, tous à la recherche d’absolu: "là où les vieilles pistes sont perdues, une nouvelle contrée se découvre avec ses merveilles", disait Tagore. J.-C. P.