« Le problème, dans les débats sur l'Afrique, c'est qu'on y entend toujours la même chose, » commente un visiteur accoudé à une table de la cafétaria du salon. « En substance, il est toujours dit que l'Afrique doit rattraper son retard. Tant qu'on pensera comme ça, on n'avancera pas. L'Afrique ne doit pas rattraper un retard, elle doit proposer autre chose. C'est quand elle propose autre chose qu'elle est intéressante. » Proposer autre chose : voilà ce que les exposants des stands consacrés à l'Afrique ont voulu, et il faut reconnaître que le succès est là.
Les stands spécialisés géographiquement ne désemplissent pas, et particulièrement ceux des pays du « Sud ». Ils bénéficient d'abord de l'attrait bien connu du chaland pour l'exotisme : les lecteurs aux abords de l'espace des Outre-mer, sous l'égide du ministère correspondant, s'attardent sur les livres de photos et les guides, tandis que les auteurs en dédicace sur le thème de la cuisine réunionnaise arborent un franc sourire.
Mais le secret n'est pas seulement celui des épices et des couleurs : au stand des livres et auteurs du bassin du Congo, qui connaît une affluence sans faille depuis le début du salon, on propose une autre recette : la variété. L'organisation, reflétée par la programmation, a pour ligne de conduite de brasser les genres, les intervenants, les formats - et donc, immanquablement, de s'ouvrir à tous les publics.
« Ce stand répond à une demande et à une frustration du public lui-même, » explique Jean-Paul Pigasse, directeur de La Dépêche de Brazzaville, à l'initiative de la manifestation. « Les lecteurs et les auteurs se plaignaient de ne pas avoir de place ici. Alors nous avons décidé d'essayer et il nous a paru plus logique de fédérer les douze pays du bassin. » Le succès a été immédiat. « L'an dernier nous a servi de galop d'essai. Résultat : nous avons deux fois plus d'espace cette année. »
Le début de l'après-midi est occupé par des signatures et par des contes pour les enfants ; à midi, une table ronde sur la gastronomie a été suivie par une dégustation avec le public, et l'on attend les poètes pour une table ronde et lecture musicale animée par Jacques Chevrier, professeur émérite à la Sorbonne. La journée finira par une conférence politique et juridique, car le stand abrite aussi les éditions universitaires et plusieurs médias. « Nous ne voulons pas entrer dans les problématiques de politique pure. L'idée, c'est de montrer qu'il y a autre chose, une autre Afrique, riche d'une tradition littéraire importante et d'une culture très diverse. »