23 août > roman Etats-Unis > Dan Chaon

"Cela arrive certainement à tout le monde, à un certain âge : vous levez les yeux un instant et vous ne savez plus très bien quelle est la vraie vie." Psychologue, Dustin l’observe tous les jours en écoutant ses patients. Mais ce défi se pose aussi concrètement à lui lorsqu’un grain de sable vient faire imploser son quotidien. "J’étais vraiment heureux. Je menais une vie normale, explique-t-il. Marié. Enfants. Propriétaire d’une maison. J’aidais les gens à gérer des schémas de pensée dysfonctionnels." Or voilà que Rusty, son grand frère adoptif, est blanchi après des années d’emprisonnement.

Il était accusé d’un quadruple meurtre: celui de leurs parents, de leur oncle et de leur tante. Brusquement, tous les fantômes s’éveillent et cognent à la porte des vivants. Dustin et ses cousines jumelles, Wave et Kate, sont brutalement ramenés à leur adolescence, une période qu’ils pensaient avoir enterrée à jamais. Peu à peu, on démêle les fils de cette famille loin d’être idyllique. Que de luttes intestines, de liens malsains, d’aliénations imbriquées les unes aux autres. Tout revient à la figure de Dustin.

Comme si ce cauchemar ne suffisait pas, sa femme apprend qu’elle est atteinte d’un cancer. Une métaphore de celui qui ronge tous les personnages de ce roman. De par son métier, le héros s’en approche sans cesse, mais l’un de ses patients semble particulièrement intrigant. L’ancien flic, Aqil, est obnubilé par les disparitions en série de jeunes étudiants. Franchissant les limites déontologiques, Dustin mène l’enquête. Mais que fuit-il ainsi? "Nous n’arrêtons pas de nous raconter à nous-mêmes une histoire sur nous-mêmes. Et si nous n’étions pas les gardiens de notre propre existence ?"

Dan Chaon interroge la réalité et la capacité à s’en dérober. On se croirait dans la série Twin Peaks de David Lynch, qui fait tomber les masques les plus insoupçonnables. Ceux d’une Amérique névrosée jusqu’à la moelle familiale, personnelle, criminelle et sexuelle. Jung n’estimait-il pas que "chacun est suivi d’une ombre, et moins elle est incorporée dans la vie consciente de l’individu, plus elle est noire et dense" ? Un polar psychologique, quasi cinématographique, à la mécanique étonnante. Kerenn Elkaïm

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