Les Beatles du climat. « La maison brûle ! », « urgence climatique », « rébellion contre l'extinction »... Les expressions ou mots d'ordre des scientifiques, des politiques et des associations environnementales ne manquent pas pour alerter sur l'apocalypse annoncée, voire amorcée. Dans Cabane d'Abel Quentin, un travail d'expertise est communiqué en 1972 par quatre chercheurs de l'université de Berkeley. Ce Rapport 21 (inspiré du vrai rapport Les limites à la croissance datant de la même année) a été commandé par un think tank composé d'industriels, de banquiers et de hauts fonctionnaires d'obédience sociale-démocrate. Leur mission : « Analyser les causes et les conséquences à long terme de la croissance sur la démographie et sur l'économie mondiale. »

Dans une fresque captivante qui se déroule sur un demi-siècle, l'auteur de Sœur (L'Observatoire, 2019) met en scène ces « Beatles du climat », composés d'un couple d'Américains, Mildred et Eugene Dundee, d'un Français, Paul Quérillot, et d'un Norvégien, Johannes Gudsonn. Daniel W. Stoddard, le charismatique directeur d'Evans Hall, le département dédié à la recherche en économie et en mathématiques, a constitué cette équipe triée sur le volet. À chacun revient une spécialité : Eugene se chargera de la pollution, Mildred de la production industrielle et de la consommation, Quérillot des ressources non renouvelables, Gudsonn de la démographie mondiale. Ces quatre-là ne sont pas forcément amis. Les Dundee considèrent que le Français n'est qu'« un phraseur ambigu et cynique ». Quant au génie des maths scandinave taiseux, les trois autres s'accordent à le trouver peu amène, si ce n'est hautain. Stoddard prévient : ils vont en suer ! Dans le même temps, ils ont un allié de taille, « Gros Bébé », « un pur-sang capable de faire cent cinquante mille additions et vingt et un mille multiplications par seconde », l'IBM 360, modèle 75... Le verdict est sans appel : au rythme de la croissance industrielle et démographique actuelle, le XXI^e siècle connaîtra avant sa fin l'effondrement planétaire... À l'aventure du Rapport 21 l'auteur tresse les destins singuliers de personnages traversés par le doute et secoués par les cahots de l'histoire. Mildred et Eugene se sont reconvertis en fermiers, Quérillot a intégré le groupe pétrolier Elf, Gudsonn, idéaliste devant l'Éternel, a disparu des radars, se cache-t-il pour mieux lutter... Abel Quentin signe un roman réaliste, haletant, avec l'ambition balzacienne de nous tendre un miroir, pour déplaisante que soit l'image reflétée.