En retrait sur son marché intérieur (1), le livre français affiche également pour 2013 une année de repli à l’export. D’après les statistiques douanières retraitées par la Centrale de l’édition (voir ci-contre), les ventes de livres français ont représenté l’an dernier un volume d’affaires de seulement 688,67 millions d’euros, soit - 3,3 % par rapport à 2012. "Une part de la baisse s’explique par un report sur la vente en ligne, que les douanes ne parviennent pas à mesurer en raison de la dispersion des colis", tempère Olivier Aristide, directeur général de la Centrale de l’édition. Avec les difficultés économiques et le recul de la lecture de livres qui touchent la clientèle à l’étranger comme en France, l’absence de réforme des programmes scolaires français a aussi un impact sur certains marchés, "en particulier au Liban (- 5 %) et au Maroc (- 14,5 %)", ajoute-t-il. Il reste que, après plusieurs années de bonne résistance, l’ensemble du réseau de diffusion du livre français à l’étranger se trouve fragilisé.
Recul sensible en Europe.
Sans doute parce que l’accès aux librairies en ligne commercialisant des livres français y est plus aisé, les expéditions vers les pays de l’Union européenne baissent particulièrement. Au global, le recul est de 4,9 %, mais la chute est encore plus rude chez les deux principaux clients de l’édition française au sein de l’Union que sont la Belgique (- 7,3 %, alors qu’elle représente 27,8 % des ventes de livres français à l’export) et l’Allemagne (- 6,5 %). L’embellie des ventes en Italie (+ 7,9 %) ne suffit pas à renverser la tendance, tandis que la hausse vertigineuse des ventes aux Pays-Bas (+ 129,7 %), tout comme d’ailleurs - hors Union européenne - celle de l’activité vers la Turquie, semble sujette à caution, selon la Centrale de l’édition. En Europe de l’Ouest, hors Union européenne, la bonne résistance des ventes en Suisse (+ 3,3 %, alors qu’elles pèsent 13,5 % de l’export) constitue toutefois une heureuse surprise. De même, en Europe centrale et orientale, le bond spectaculaire des ventes en Russie (+ 187,7 %) et en Ukraine (+ 27,9 %), les deux principaux marchés, vient contrecarrer la tendance dominante.
Les exportations de livres français vers le continent américain souffrent plus encore que les expéditions au sein de l’Europe. Au nord, elles régressent de 6,9 % (- 7 % au Canada qui, principalement au Québec, absorbe 11,4 % des livres français exportés ; - 6,8 % aux Etats-Unis). Même lissé sur trois ans, le recul est encore de 3,9 %. Au sud, l’activité connaît une légère hausse au Mexique, premier client sud-américain de l’édition française (+ 1,4 %), mais chute au Brésil, deuxième (- 17,5 %), comme dans l’essentiel du sous-continent à commencer par la Colombie et le Chili, respectivement troisième et quatrième acheteurs de livres français au sud du Rio Grande. Les ventes françaises s’effondrent également aux Antilles (- 20,2 %) en raison d’une rechute de l’activité en Haïti (- 24 %, mais néanmoins encore + 20,3 % en moyenne lissée sur trois ans).
Année difficile au Maghreb.
L’année s’est également révélée difficile au Maghreb (- 9,5 % en moyenne), qui absorbe 6,1 % des livres français exportés. En Tunisie surtout, toujours chahutée dans cette période post-révolutionnaire, le livre français dégringole à nouveau de 25,8 % après un sursaut l’année précédente. En moyenne lissée sur trois ans, le recul se fixe à - 8,3 %. Au Maroc, la baisse atteint - 14,5 %, même si l’activité demeure en hausse en moyenne sur trois ans (+ 3,2 %). En revanche, le marché algérien reste dynamique, à + 5 % en 2013 et + 11,9 % en moyenne lissée.
La conjoncture est plus difficile encore pour le livre français au Proche et au Moyen-Orient, non seulement en raison de mauvaises performances au Liban, client numéro un de la France dans la région, mais aussi de baisses sur la plupart des marchés, dont les Emirats arabes unis (- 32,1 %) et l’Egypte (- 2,1 %). Dans cette partie du monde, les exportations de livres français ne croissent en 2013 qu’en direction du modeste marché israélien et des micro-marchés d’Oman et d’Iran.
Succès ponctuels en Afrique.
De même, les ventes de l’édition française continuent de s’effondrer en Afrique non francophone (- 38,9 %), désormais totalement marginale dans le paysage des exportations françaises de livres, même si l’activité demeure supérieure à 300 000 euros en Afrique du Sud et au Nigeria. L’activité aurait pu évoluer de manière parallèle en Afrique francophone, où les ventes reculent en Côte d’Ivoire (- 7 %), au Sénégal (- 12,2 %) comme au Congo (- 39,1 %), au Bénin (- 30,3 %), à l’île Maurice (- 22,1 %) ou à Madagascar (- 8 %). Mais les éditeurs scolaires français ont remporté d’importants marchés dans une poignée de pays qui renversent la donne. Le chiffre d’affaires de l’édition française bondit en particulier au Congo RDC (+ 793,7 %), qui passe soudainement du 12e au 1er rang des pays clients de l’édition française en Afrique francophone. Il croît aussi au Cameroun (+ 18,6 %), au Gabon (+ 9 %) ou encore au Togo (+ 106,5 %), en Guinée (+ 245,8 %) ou au Niger (+ 101,2 %), portant la hausse moyenne des ventes en 2013 en Afrique francophone à 9,4 %.
Nouveaux progrès en Asie.
En Asie également, l’édition française affiche, à l’instar de l’année précédente, des résultats très encourageants. La croissance de ses exportations de livres y atteint 9,2 % au global (+ 3, 8 % en moyenne lissée sur trois ans). En revanche, elle se concentre sur les trois principaux marchés : le Japon (+ 21,5 %), pour la deuxième année consécutive après le ralentissement provoqué par l’accident de Fukushima ; la Chine (+ 31 %) et Hongkong (+ 6,7 %). L’année 2013 a été mauvaise en Corée du Sud (- 16,7 %), mais la tendance sur trois ans reste positive (+ 13,3 %).
Sur les marchés plus restreints pour le livre français, l’activité redémarre en direction de Taïwan (+ 45,7 %), décolle en Thaïlande (+ 92,3 %), aux Philippines, en Malaisie ou encore… en Afghanistan. Au contraire, elle enregistre une contre-performance à Singapour et recule en Australie, en Inde, au Vietnam ou en Indonésie. En Asie comme ailleurs dans le monde, les exportations de livres français se concentrent sur les principaux pays clients, au détriment de marchés "secondaires" de plus en plus marginaux, voire purement symboliques. <
(1) Voir notre bilan 2013 dans LH 983, du 31.1.2014, p. 14-16.
Dom-Tom : vivement une réforme scolaire !
Victimes de la contraction du marché scolaire, faute de nouveaux programmes, les expéditions de livres vers l’outre-mer, mesurées comme les exportations par les statistiques douanières, reculent encore de 3,2 % en 2013. Tous les départements et territoires sont touchés, à l’exception notable de la Nouvelle-Calédonie et de la Guyane, où l’activité se redresse. Lissées sur trois ans, les ventes demeurent aussi en croissance en Guadeloupe et à Mayotte.
Patrick C. Dubs : "La raréfaction des points de vente est préoccupante"
Le directeur général d’Hachette Livre International, la filiale d’Hachette dédiée au grand export, et l’un de ses trois directeurs de la diffusion, Gwenaël Luherne, s’alarment de l’augmentation des défauts de paiement.