29 janvier > Roman France

Avec un mélange de naïveté et de mégalomanie, Gabriel Matzneff précise en préambule que ce roman, son neuvième en cinquante ans de carrière, fait partie d’un "cycle", "construit à la façon dont [son] maître et ami Hergé construisit les 22 volumes des Aventures de Tintin et Milou". Ce qui peut laisser supposer qu’il en a encore treize à écrire. Et explique un certain nombre de clins d’œil dont le texte est truffé.

Derrière l’intrigue, on a l’impression qu’il a voulu rassembler tout ce qui lui est cher : quelques personnages récurrents, comme l’écrivain Nil Kolytcheff ou la cinéaste Nathalie de la Fère ; quelques lieux magiques, Venise, Naples, Sorrente, menacés par la cupidité des hommes, le tourisme de masse et l’urbanisation forcenée ; quelques-uns de ses sujets favoris, la Russie, la religion orthodoxe, les jeunes filles… A chaque page ou presque, Matzneff se glisse et digresse, contre l’impérialisme américain, contre "l’islamisation" de l’Europe, pour l’orthodoxie - qu’il estime menacée : "Nous n’existons pas", dit-il -, ou en faveur du mariage pour tous. Nathalie finira par épouser sa Lioubov, une jeune fashionista, non point à Naples où le consul de France a fait des embrouilles, mais à Rome, mariée par l’ambassadeur en personne. Il y a aussi l’amour de l’Italie, la littérature (Stendhal), le vin (les grands bordeaux), les références au cinéma ou à la BD…

Ceci mis à part, le roman traite du suicide de Cyrille Razvratcheff, en 1965, un jeune aristocrate russe blanc, cousin de Nil. Non point, comme on l’a cru à l’époque, à cause du traumatisme de sa guerre d’Algérie, mais parce qu’il avait découvert que son père, Nicolas, collabo par antibolchevisme, aurait dénoncé sa femme, juive, directement auprès du capitaine Aloïs Brunner, commandant SS du camp de Drancy à partir de juin 1943. Le salaud, devenu conseiller des Syriens, a fini par se suicider. Son fils, dans la plus noble tradition, n’a pu survivre à cette révélation et à ce déshonneur…

100 % Matzneff, 100 % russe, ses fans vont adorer, les autres tourner la page. J.-C. P.

Gabriel Matzneff publie simultanément, chez Gallimard, Mais la musique soudain s’est tue.

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