Sans peur et sans reproche. La formule a traversé les siècles. Mais que sait-on d'autre de Bayard, le chevalier ? Yves de Chazournes est allé y voir de plus près. Avec sa fibre de journaliste, il a enquêté, il a lu. Beaucoup. Puis, il s'est fait une idée du personnage. Complexe évidemment. Un personnage qui ne serait pas complexe ne mériterait pas une biographie. Celle-ci est excellente car elle coche, comme on dit, toutes les cases. Et même quelques unes en plus. Sous la plume d'Yves de Chazournes, Bayard s'anime d'une vie peu commune. Mais ce qui reprend vie, c'est aussi l'époque, celle des guerres d'Italie qui passent par la bataille de Fornoue (1495), la défense du pont du Garigliano (1503) qui valut au chevalier ses lettres de noblesse et la devise « Vires agminis unus habet » (« il vaut à lui seul une armée ») qui ornera son bouclier. Bayard est aussi à Marignan et dans bien d'autres assauts. Mais on voit aussi ce chevalier issu d'une famille dauphinoise exercer avec le même dévouement sa charge de lieutenant général à Grenoble. « Cet homme de moyenne stature, au visage pâle et imberbe, le nez légèrement dévié, était aussi redoutable à la guerre qu'il était doux, prévenant et plein d'un humour volontiers acerbe le soir à la veillée, lorsque tous les combattants fourbus se racontaient leurs exploits de la journée. »

Ce protégé d'Anne de Bretagne, surnommé Piquet lorsqu'il était page à Chambéry, a mis sa lance et son épée au service de trois rois, Charles VIII, le fils de Louis XI, son cousin Louis XII et surtout François I^er. Pierre Terrail, seigneur de Bayard, aura une fille, Jeanne, mais on ne sait rien de la mère. Chez Bayard, le mystère du petit noble provincial renforce la légende du brave. Héros ordinaire, il a su rendre sa vie extraordinaire. Cette haute figure a été admirée par l'Ancien Régime, par les révolutionnaires, par Napoléon et par les républicains. Mais peut-on comprendre aujourd'hui ce sens de l'honneur et cet art de vivre et de mourir ? Yves de Chazournes nous montre que oui, à condition de nous immerger, comme il y invite ses lecteurs, dans cette Renaissance entre richesse artistique inouïe et tumulte religieux − avec Savonarole, le moine exalté de Florence qui finit brûlé en place publique, et Martin Luther qui prône une lecture littérale de la Bible contre les théologiens officiels.

Dans cette société raffinée et violente, Bayard se distingue par son profond respect des femmes et sa reconnaissance du peuple, ce qui ne l'empêche pas d'être cruel sur le théâtre des opérations où il combat comme un diable. Il vit comme on meurt. Il ne se soucie pas de son trépas. Il déteste la cour et les courtisans. Il organise son existence comme un tournoi au service du roi. Preux, c'est-à-dire qui fait des prouesses. Bayard fut bien cet homme-là. Cervantès tournera en dérision cet idéal de vie chevaleresque. Mais c'est une autre histoire... Cette biographie inspirée et galopante anime du souffle de l'aventure les statues du vaillant capitaine.