Cinq jours et une éternité. La nature a horreur du vide. L'histoire aussi. Ces moments de suspension du temps où elle peut encore pencher d'un côté ou de l'autre. Où ce n'est pas encore la nuit et où l'aube demeure un espoir. Qui s'éloigne. Où la défaite est là, mais aussi l'idée qu'il sera peut-être possible de ne pas la reconnaître, de continuer le combat ailleurs, autrement. La France de juin 1940, qui espère passer par un trou de souris pour échapper au déshonneur. Mieux encore, l'Estonie. L'Estonie pendant cinq jours, entre le 18 et le 22 septembre 1944, entre le départ des forces d'occupation allemandes et l'arrivée des premiers chars soviétiques. Cinq jours pendant lesquels un pays a pu croire qu'il accéderait enfin à son indépendance avant qu'un rideau de fer ne retombe sur cet espoir pendant près d'un demi-siècle.
Ces cinq jours sont au cœur du Bateau blanc, un premier roman français, absolument passionnant et qui tient à la fois de la fresque historique et de la réflexion la plus ample et la plus romanesque sur les aléas du pouvoir, les contrastes complexes de l'idéologie. Du pouvoir, de la force des idées traduites en actes, son auteur, Xavier Bouvet, doit savoir quelque chose. Si sa passion pour l'histoire de l'Estonie est déjà ancienne, s'il vit désormais à Tallinn, la capitale, il fut, voici quelques années seulement, un très brillant et remarqué acteur de la vie publique à Metz, qui le vit, tête d'une liste citoyenne et verte, échouer à ravir la mairie pour moins de deux cents voix. Les Messins y auront perdu ce que finalement la littérature y a gagné.
Le bateau blanc documente donc ce moment entre deux oppressions où quelques hommes et femmes, cultivés, humanistes, sans nécessairement être idéalistes à l'excès, vont tenter de restaurer la république dans leur pays. Parmi eux figure Otto Tief, un avocat à la tête du gouvernement provisoire, d'une noblesse d'esprit d'autant plus haute qu'elle est sans illusion. Également, la poétesse Marie Under, prise au piège d'une capitale assiégée et d'influences contraires. Tous attendent un bateau, vers l'exil et l'espérance, ailleurs. Parfaitement juste dans sa narration, Xavier Bouvet l'attend avec eux.
Le bateau blanc
Le Bruit du monde
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 22 € ; 320 p.
ISBN: 9782493206862