Il y a des livres dont la lecture vous transforme l’intérieur.   Départ en vacances, à la campagne, trois heures de train, ou quatre, une pour somnoler, du temps devant soi, vertes étendues filantes à mes côtés, où est Le saule d’Hubert Selby Jr. ?   Il faut trouver une place pour que cet espace ouvert entre en nous et que nous entrions en lui.   L’histoire résumée tient en une phrase : Brooklyn années 60, un couple adolescent se fait agresser, Bobby est noir, Maria portoricaine, ça ne se fait pas de sortir ensemble, ça ne se fait pas de défigurer à la soude dézinguer à coups de chaînes, ira-t-il jusqu’à se venger ?   S’installer dans une langue comme dans une maison.   Dire les longs ressassements, la convalescence, la violence. Dire les espoirs et les paroles qui sauvent, qui sauveront peut-être, ma petite fille chérie nous sommes près de toi tout va s’arranger nous t’aimons. Dire la solitude de chacun et les démons. Dire la lumière du recueillement. Le bouillonnement du sang et la paix de la prière.   Ici il y a un cerisier aux feuilles scintillantes. Là-bas il y avait un saule. On disait pleureur. Mais je crois me souvenir du calme de la cascade verte.   Et les tourments jamais ne cessent, le vent a beau donner aux cicatrices l’illusion de respirer, le désespoir la mort et le talion rôdent. Alors Bobby se fortifie de lampées de soupe en mouvements de rameur en douches froides chaudes. Alors Mush, le merveilleux ami, drôle, inespéré, incroyable, l’émigré, le survivant, celui qui l’a recueilli, continue, continue de rire et rire de plus belle, d’être là avec toute sa bienveillance, continue de raconter son histoire.   Le suspense, l’attente. Manquer de temps le jour. Retrouver le lit réparateur, les draps épais, légèrement rêches, ce parfum de chambre éternelle. Encore.   Jusqu’aux dernières lignes je reçois, accueille à mon tour ces courants continus, alternés, conscience pensée parole mots, qui du fond du coeur et de l’âme vont au fond du coeur et de l’âme transformer, libérer, rendre disponible. Je suis prêt à aimer le monde, jusqu’à souhaiter tout le bonheur possible à mon pire ennemi.   Le saule est un don.        ______________   Le saule , Hubert Selby Jr, Editions Points
15.10 2013

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