Il y a ceux que l'on n'est pas étonné de trouver là. Et puis d'autres plus inattendus, et moins entendus : douze hommes et une femme conviés par Bartabas à partager leur vision de la vie d'artiste dans l'espace de la collection "Manifeste" chez Autrement. Sans surprise, le fondateur du théâtre équestre Zingaro n'a pas choisi des tièdes. Mais des "faiseurs d'éphémères" à haute personnalité qui ont en commun de créer dans la nécessité. Pour qui cette voie engage entièrement et absolument. En piste, les danseurs Dominique Mercy et Ko Murobushi, le plasticien Ernest Pignon-Ernest, le dessinateur Cabu, le pianiste Alexandre Tharaud, le chef Alain Passard et le "filmeur » Alain Cavalier, présent dans sa magnifique sobriété avec une lettre manuscrite adressée au lecteur et une photo de dos à sa table de travail. Certains ne sont plus là, comme le comédien Laurent Terzieff, dont l'écrivain André Velter esquisse le portrait, et Pina Bausch, que Bartabas évoque en quelques croquis près du cheval qu'il lui avait présenté.
Aux côtés de ces voix connues et reconnues se joignent celles du torero Luis Francisco Espla, du jongleur Chris Christiansen et du jockey Christophe Soumillon. Et Jack Ralite, ancien ministre de la Santé, qui céda pour un franc symbolique les terrains vagues du Fort d'Aubervilliers, ville dont il était alors maire, pour que Zingaro y installe son chapiteau, achève de donner à ce manifeste sa tonalité résolument politique.
Constance, exigence éthique, refus des compromissions avec le marché et les institutions, enracinement dans un territoire..., les valeurs défendues ici par Bartabas et ses invités dessinent les contours d'une tribu, notion si chère à celui qui ne conçoit pas la création sans partage et sans transmission. Et signent un plaidoyer pour l'aventure collective, bien exaltant dans notre époque timorée.