Les choses ne sont jamais vraiment ce qu'elles ont l'air d'être. Prenons par exemple ce petit village français qui ne ressemble à rien ; un peu à la Beauce, et encore. Un village où, bien entendu, il ne se passe rien non plus. Si ce n'est - et ce n'est après tout pas rien -, voici quelques mois, la découverte d'un mort. Assassiné en plus. Un vieil homme écossais du nom de Samuel Blank, locataire de la plus belle (la seule ?) maison du bourg, retrouvé une fléchette entre les omoplates, une brosse à dents à la main, le sourire aux lèvres... L'assassin porte pour l'occasion (il est vrai que ce ne sont pas les alias qui lui manquent) un nom de poète. Paul Prévert. C'est un tueur à gages. Et son commanditaire s'avère être sa victime. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes meurtriers et des villages paisibles si, dans la maison du crime, ne venait s'installer un homme prétendant s'appeler Brémart (mais se nommant en réalité Grigor Bremski) et sa supposée compagne, une femme très belle que signale surtout à l'attention des villageois sa réclusion volontaire. Prévert, resté dans les alentours puisqu'il s'avère que son ultime mission serait justement de tuer cette femme, va en tomber amoureux comme seuls savent le faire ceux qui pensent que tout est toujours perdu d'avance. Ce qui ne fera ni ses affaires ni celles de personne. 

C'est Une complication, une calamité, un amour, le nouveau roman (novella, serait-il plus juste d'écrire) de Véronique Bizot. C'est donc une histoire de fous. Plus précisément, racontée par un fou, en rupture d'asile, qui erre dans le village, témoin direct et peut-être même acteur de ces catastrophes et bouleversements. Ses lecteurs retrouveront dans ce livre la fantaisie allègrement noire, la grâce aussi, de son auteure. Il s'y mêle sans doute une très troublante mélancolie. Tous ses personnages y apparaissent comme dévitalisés, à jamais hors d'eux-mêmes, cherchant seulement ce que Céline appelait « le plus grand chagrin possible avant de mourir ». Ils le trouveront. Et le lecteur avec eux, ravi et désespéré.