Sur la plage, une jeune femme joue avec sa fille. Un homme d’âge mûr l’observe, détaille son corps, avise cette peau blanche que laisse entrevoir le maillot. Jacques Rosen est le mari de Nicole. Bientôt, il rentrera avec elle dans leur villa et, pendant que la petite Sabine fera la sieste, lui et Nicole feront l’amour. La vie est belle comme un après-midi d’été où rien ne compte plus que cette étreinte aux plus chaudes heures de la journée. Le bonheur, ou presque. "Nicole se conformait aux attentes, reproduisait les mouvements par d’autres mouvements symétriques, inflexions d’un côté, puis de l’autre, baisers jusqu’à plus soif, une main hasardée sur cette géométrie si imprévisible des chairs, l’autre bien ancrée dans les replis de la peau. […] Jacques, tout entier donné au plaisir, ne voyait rien, ne voulait rien voir."
Pour Nicole, toute joie, toute volupté ne pouvait que se rapporter à ce moment-là, à cet amour-là, unique, irremplaçable : "C’était un pacte qu’elle avait conclu avec elle-même, une injonction souterraine dictée par le sentiment insensé que l’amour ne se rencontrait qu’une seule fois." Elle avait 17 ans, et lui 30, un jeune Américain dont les parents s’étaient installés non loin de l’endroit où elle avait passé toute son enfance, le quartier pavillonnaire de Révillon près du parc de la Flèche. Aussi, même quand le ciel est bleu, pour Nicole c’est du bleu de la robe qu’elle avait mise tant de fois et le jour où elle avait attendu David Hall pour la dernière fois. L’épiphanie de la passion puis son deuil, son fruit aussi. Quand Sabine n’est pas sage, Jacques la gronde, l’appelle "Miss Hall".
Pour ce troisième roman, Nous partirons, Elsa Fottorino déploie à nouveau le motif de l’amour manqué, manquant, l’histoire en creux laissée par la disparition de l’autre, qu’on n’aura jamais vécue mais qui fait vivre malgré l’absence et définit toute une vie. S. J. R.
