20 août > Roman France

A l’instar de son personnage Victor Goupille, "faussaire professionnel" de "romanciers tricolores canés", Philippe Cohen-Grillet doit être quelqu’un de peu banal. Qu’on en juge par sa bibliographie : deux pamphlets, sur Papon et sur Raffarin, des Hymnes à la bêtise (le tout au Bord de l’eau) et aussi un premier roman, Haut et court (Le Dilettante, 2012). Belle culture littéraire et goût du farfelu…

Cohen-Grillet récidive avec Usages de faux, un roman truffé de clins d’œil et de digressions. Il est vrai qu’il a été journaliste, grand reporter dans un quotidien pour qui il a "couvert" le Rwanda ou Haïti, qu’il a accompli le pèlerinage d’Auschwitz (la judéité est très présente dans le roman), ou, plus légèrement, vu de ses yeux le saint suaire de Turin. Mais aujourd’hui, pour vivre, il a trouvé un autre métier, bien moins dangereux en apparence : il aura quand même droit à un contrôle de l’OCBC (l’Office criminel de lutte contre les trafics de biens culturels) qui sonnera le glas de son business très lucratif. Pour quelques milliers d’euros, il fourgue à un vieux marchand, Vaud, qui s’empresse de les revendre aux enchères, des manuscrits "authentiques", minutieusement fabriqués. Par exemple de Jean-Edern Hallier (les dernières pages de son journal intime, où il écrit : "Je suis l’anti-Barrès", 15 000 euros), une vraie-fausse chronique de Blondin pour L’Equipe (6 500 euros), ou encore un dossier complet sur l’affaire Histoire d’O., avec des lettres échangées entre Dominique Aury, Paulhan, Nimier et Céline qui essaie de faire chanter Gaston Gallimard (prix non communiqué).

Grand lecteur, Victor, qui assume et se considère même comme "un enchanteur", lit aussi les petites annonces de Libé. C’est ainsi qu’il tombe sur Camille, à la recherche d’un garçon croisé par hasard. En parfait faussaire, il décide de jouer le jeu, de remplacer le bel enfui. S’ensuivent une rencontre, puis une relation torride et tumultueuse avec Camille, une riche orpheline BCBG et délurée, aussi sensuelle que moqueuse. Mais qui piège qui ?

Les masques tomberont, à la fin, après que Goupille nous aura régalé d’un bel éloge de son ami Jacques Chessex. Pas une ligne, en revanche, sur Robbe-Grillet.

Jean-Claude Perrier

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