Bon ! Il serait bien temps que j’accomplisse ma rentrée littéraire sur ce blog.   J’ai cherché des sujets. Les propos ahurissants de M. Gilles Cohen-Solal dans le reportage de Strip-Tease  sur FR3 ? Bah, c’est déjà du réchauffé, et mieux vaut pour lui qu’on l’oublie. Les sélections des prix, les favoris ? Bof. Les écrivains sont égoïstes : du moment que je ne publie pas de roman moi-même, je m’en contrefiche. Les romans eux-mêmes ? J’en ai lu quelques uns qui m’ont plu (François Bon, Alain Monnier, Etienne de Montéty, entre autres). Je me tue à le répéter : il y a une chose qui va bien dans ce pays, c’est la création littéraire. Mais ça intéresse qui, au fond ?   ***   Conversation véhémente quoique amicale, l’autre jour au Nouvel Obs , avec François de Closets. Car je ne publie pas de roman, mais en revanche un petit essai consacré à la langue française, et François de Closets, lui, une enquête sur l’orthographe. Un livre très intéressant, d’ailleurs, où j’ai appris beaucoup de choses. J’essaie cependant, au cours de l’entretien, de faire valoir que si la langue française souffre aujourd’hui, ce n’est sans doute pas essentiellement à cause des deux N de confessionnal, du H et du Y d’améthyste ou du pluriel de croc-en-jambe. Et aucune banque ne vous refuse un chèque au motif que vous auriez mis ou pas un S à «  vingt  » ou à «  cent  ». La langue française souffre plutôt, me semble-t-il, du désintérêt pour elle de nos «  élites  », politiques, administratives, économiques, médiatiques. Et éditoriales. Car j’ai des reproches à faire. Les textes ne sont pas assez relus. Si la langue française n’est pas défendue dans l’édition, où le sera-t-elle ? Il n’est pas normal qu’un éditeur laisse passer «  quand le pli est pris, rien ne peut plus l’arrêter  ». Ou encore «  avec un cérémonial  » quand il faudrait dire «  selon un cérémonial  ». Pas normal que le « ne » explétif, soit en train de disparaître corps et biens. Il faut écrire : « Je redoutais qu’elle NE s’ennuie à m’écouter parler politique. » Idem, qu’on laisse se répandre l’habitude de mettre un adverbe derrière une préposition : «  Il cherchait à systématiquement me contredire.  » Non ! Il cherchait systématiquement à me contredire, ou encore : il cherchait à me contredire systématiquement. Là-dessus, une éditrice amie me contredit : «  Si je notais tout ce que je trouve dans les manuscrits de la maison, je pourrais faire un livre…  » Soit. Alors c’est notre responsabilité collective. Tout cela n’est pas du « purisme ». Encore une chose que je me tue à répéter : l’attention que nous portons à notre langue, elle nous la rend au centuple. Ce n’est pas le français qui est atteint lorsque nous parlons ou écrivons mal, c’est nous.   ***   Mais l’édition, je le vois bien, ne se préoccupe pas de la langue française ; c’est pourtant ce qu’elle vend ! Elle semble plus intéressée par le livre électronique (in french, we say : e-book) ; c’est pourtant ce qu’elle ne vend pas ! Il y a huit ans, dans une tribune publiée par Livres Hebdo , j’avais expliqué pourquoi, à mon humble avis, le e-book (dont c’était la première offensive) ne marcherait pas. Les événements me donnèrent raison, mais je suis évidemment le seul à m’en souvenir. Alors je vais modestement exposer trois arguments.   1) S’il s’agit de dire que plus personne n’a besoin d’un livre pour trouver la recette du lapin chasseur, le texte de L’Invitation au voyage ou la dernière directive européenne concernant la dimension autorisée du saint-nectaire, ce n’est vraiment pas nouveau.   2) J’ai du mal à croire que le « consommateur » va investir dans l’achat d’une machine exclusivement dédiée à la lecture. La machine portative de l’avenir sera multifonctions ou ne sera pas.   D’ailleurs, ça aussi, c’est déjà le cas.   3) Je connais beaucoup de gens qui sont de gros lecteurs. Je n’en ai jamais entendu un seul ou une seule s’intéresser à l’e-book, ni même avoir l’air de savoir que ça existait. Ce truc n’intéresse que les médias !   Voilà trois arguments que j’attends qu’on réfute, et si tel est le cas, je reconnaîtrai que je me trompais. (Comme sur la grippe A quand je dis que c’est une monstrueuse blague.)  
15.10 2013

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