Moins "business", "cette édition nous a surtout permis de renouer contact avec les éditeurs étrangers", indique l'éditeur de littérature étrangère chez Grasset, Joachim Schnerf. Comme plusieurs de ses confrères, il a condensé en moins de 48h tous les rendez-vous sur place.
Absences remarquées
L'absence des grands éditeurs anglo-saxons et asiatiques mais aussi des éditeurs des pays de l'Est ou d'Amérique du Sud a refroidi bon nombre des participants habituels à cette foire. A commencer par les grands groupes d'édition allemands. Fischer Verlag, dont le siège est à Francfort, a restreint l'accès au salon à ses collaborateurs. Mais la raison officielle reste sanitaire. Pour rappel, l'Allemagne fait partie des pays avec l'un des plus faibles taux de vaccination en Europe : 77% de la population âgée de plus de 12 ans a reçu sa première dose, selon l'institut Robert Koch.
Ainsi, la jauge journalière de 25 000 personnes indiquée par l'organisation de la foire ne paraît pas être atteinte. Les milliers de mètres carrès qui s'étendent sur le centre de congrès sont presque déserts. L'immense esplanade centrale, connue sous le nom d'Agora, n'est occupée que par une petite dizaine de foodtrucks. Le son des discussions des personnes qui s'arrêtent pour manger une currywurst ou prendre un café est souvent coupé par la diffusion en direct, sur un écran géant, des tables rondes. Toutes les rencontres sont dématérialisées.
Le plus fréquenté, le stand français
Les stands collectifs par pays structurent la foire. L'Italie, l'Espagne, le Québec, le Japon, Taiwan... "Mais c'est le français qu'on remarque le plus !", lance dans un français parfait Fabio Muzi, éditeur de littérature étrangère de la maison d'édition italienne Feltrinelli. De fait, les éditeurs français ont joué le jeu et ce stand, situé dans le hall 4, est de fait le plus fréquenté.
"Contrairement au stand italien, qui réunit seulement quelques petits éditeurs, la France a réussi à regrouper tout le monde, c'est un succès !", poursuit-il. Le stand du Bureau international de l'édition française (Bief) occupe 1000 m2 contre 600 d'habitude et réuni plus d'une centaine de maisons d'édition, dont celles d'Hachette Livre, de l'Ecole des loisirs, de Madrigall ou de Média-Participations. A quelques mètres, l'éditeur spécialisé dans la jeunesse, Auzou, a lui son propre stand.
Au cocktail (sans champagne, car interdit) du Bief, mardi soir, son président Antoine Gallimard s'est félicité du succès de ce rassemblement. Présente également, la directrice du Centre national du livre, Régine Hatchondo, a fait remarquer "que même si les éditeurs ne retrouvent pas cette année la dimension trépidante habituelle de cette foire, il est très important de recommencer à se retrouver dans ces carrefours extrêmement stratégiques pour le livre". Elle a profité de cette occasion pour annoncer le renouvellement, en 2022, de l'aide exceptionnelle aux éditeurs indépendants, mise en place en raison de la crise sanitaire.
Enfin, Vincent Montagne, président du Syndicat national de l'édition et président de Média-Participations, a lui aussi salué ces retrouvailles devant un parterre de patrons de l'édition française, venus en coup de vent à Francfort tels Vera Michalski (Libella), Hugues Jallon (Le Seuil), Gilles Haéri (Albin Michel), Louis Delas (L'Ecole des loisirs), Sabine Wespieser (Sabine Wespieser éditeur), Laurence Faron (Talents hauts) ou Yannick Déhée (Nouveau Monde).
Les responsables de droits au premier rang
Si la présence d'éditeurs français restait assez limitée, les responsables des services de droits des maisons n'ont pas chômé pendant la foire. " J'ai concentré ma présence sur deux jours au lieu de quatre mais mes journées sont pleines. J'enchaîne les rendez-vous avec les Néerlandais, très présents, quelques Allemands... Ceux qui sont là sont particulièrement attentifs, ce sont des échanges de qualité ce qui est vraiment positif", témoigne Solène Chabanais, responsable des droits étrangers chez Albin Michel.
Les éditeurs français, eux, font des aller-retours entre le stand du Bief et le célèbre "Lit Ag", qui réunit scouts et agents littéraires. A l'intérieur, dans une ambiance polaire, des tables sont séparées par des vitres en plexiglas. Les chaises, elles, sont vides. "C'est une édition qu'on n'oubliera pourtant pas, souligne l'agente Anna Soler de l'agence Pontas, basée à Barcelone. C'est ma vingtième édition, et la seule où j'ai pu maintenir des discussions avec des éditeurs sans courir partout, sans lancer des "hello" à tout bout de champs, sans perdre ma voix". Et l'occasion pour elle de partager aussi une bonne nouvelle : La face nord du cœur et la Trilogie du Baztan de son autrice star Dolores Redondo (publiée en France chez Gallimard) seront adaptés en série par Heyday Television, producteur, entre autres, de toutes les adaptations de Harry Potter.