Yves Ravey s'est imposé comme un maître feutré de la tension et du malaise, un peintre discret de la province et de ses classes sociales. En même temps que son précédent roman, Enlèvement avec rançon (2010), ressort dans la collection "Double" de Minuit, le natif de Besançon publie Un notaire peu ordinaire chez l'éditeur de la rue Bernard-Palissy.
Le nouvel opus de l'auteur de L'épave (Minuit, 2006) et de Cutter (Minuit, 2009) alterne les narrations. L'histoire, nous la tenons par moments d'un jeune homme, employé à la station-service à la sortie de la ville depuis la fin des cours au lycée. Il a contracté un emprunt étudiant, déposé une demande de bourse pour aller étudier à la faculté de lettres.
Depuis la mort de son père, le héros de Ravey vit avec sa mère, Martha Rabernak, et sa soeur, Clémence, dans une maison neuve équipée d'une véranda encombrée de pots de géraniums. Un soir à vingt-deux heures, voici que débarque Freddy après quinze ans d'absence. Le cousin de maman travaillait jadis avec le défunt dans son entreprise de serrurerie. Il sort de prison, où il a purgé sa peine à la suite du viol de la petite Sonia - ce qui lui vaut d'être suivi par un éducateur, Michael Dietrich -, se présente chez les Rabernak avec des tatouages sur les bras et un chien.
Connu pour être un peu simple d'esprit et brut de décoffrage, Freddy n'a pas de place au foyer d'accueil. Les services sociaux l'ont relogé derrière le stade, dans un vestiaire désaffecté. Madame Rabernak, qui travaille dans un collège où elle s'occupe du ménage et de la cantine, n'a aucune envie qu'il s'installe chez eux. D'autant plus qu'elle a fort à faire avec Clémence qui lui tient de plus en plus tête.
Une Clémence qui fricote avec Paul, le fils du notaire, Me Montussaint. Lequel était un ami de M. Rabernak, préside la société de chasse et roule dans un coupé sport rouge décapotable... Implacablement mené, le récit de Ravey grimpe en intensité sans jamais hausser le ton. La tragédie rode, prête à frapper à tout instant. Comme dans l'oeuvre d'un certain Georges Simenon à qui il n'est pas ici interdit de penser.