Etude

Un rapport partial sur les bienfaits du numérique pour la culture

Un rapport partial sur les bienfaits du numérique pour la culture

Le numérique a permis la croissance du chiffre d'affaires et maintenu l'emploi dans les industries culturelles, affirme une étude de PWC financée par Google. Ce n'est pas démontré dans le secteur du livre.

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Par Hervé Hugueny,
Créé le 02.07.2015 à 19h42 ,
Mis à jour le 06.07.2015 à 15h35

L'essentiel de la croissance aujourd'hui générée par le secteur créatif et culturel "est en réalité imputable au numérique", affirme une étude publiée par le cabinet Strategy&, membre du réseau PWC, et financée par Google (Le numérique et l’avenir de l’industrie de la création, 83 pages, en anglais). L'objectif de ce rapport est de combattre "l'idée reçue selon laquelle la culture du « tout gratuit » induite par Internet aurait conduit à un ralentissement de la croissance et à une perte d'emplois dans le secteur créatif européen".
 
Le volet numérique de l'activité des entreprises culturelles "est en fort développement. Celui-ci représente une croissance annuelle de 1,2% pour l'ensemble du secteur créatif depuis 2003. Cette croissance est essentiellement stimulée par les achats directs des consommateurs, qui ont augmenté de 22% entre 2003 et 2013, soulignant ainsi le fait que le grand public reste clairement disposé à payer pour accéder à des contenus créatifs", assure le rapport. Pour obtenir ces résultats, il agglomère les données de cinq secteurs (livre, presse, film & télévision, musique et jeux) en Europe, avec un focus sur six pays (Allemagne, Espagne, France, Italie, Pologne, Royaume-Uni).
 
Le secteur du livre bouleversé par la numérisation

"Le livre devrait être le prochain secteur totalement bouleversé par la numérisation", prophétisent les auteurs de l'étude. Les revenus du numérique ont augmenté fortement au cours de la décennie, mais ne représentent encore que 5% des revenus globaux du secteur, constatent-ils.

Le chapitre consacré au livre illustre les artifices utilisés à l'appui de la démonstration générale : entre 2003 et 2013, le chiffre d'affaires global du secteur en Europe a quand même progressé, de 0,52% selon un graphique rapprochant les deux années. En réalité, sur l'ensemble de la décennie, il a connu deux tendances opposées : hausse jusqu'en 2008, puis lente érosion à partir de 2009, qui correspond à l'arrivée d'Amazon, sur le marché britannique pour commencer. L'emploi dans le secteur a suivi la même évolution.
 
"La révolution numérique du marché du livre s'est jusqu'à maintenant limitée aux plateformes de vente (telle Amazon) et non au produit lui-même", regrettent les auteurs du rapport. Ils insistent sur les services créés par ces plateformes, sans mentionner que les deux seuls marchés conquis par Amazon, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, l'ont été par une guerre des prix. La stratégie numérique d'Hachette Livre, citée en exemple, n'évoque pas plus la résistance du groupe à cette politique commerciale.
 
En réalité, l'essentiel de la croissance constatée au niveau global provient de l'audiovisuel et du succès des services d'abonnements payants que les anciens et nouveaux acteurs de ce secteur ont réussi à lancer. Les autres industries sont au mieux dans la résistance (le livre), en plein marasme (la presse), dans une convalescence douloureuse (la musique), ou d'un périmètre encore limité en ce qui concerne le jeu, tout juste créé et qui a déjà connu sa première période de stagnation.
 
D'autre part, l'économie numérique étant encore récente, elle affiche forcément des taux de croissance flatteurs, mais dans la plupart des cas ils ne suffisent pas à compenser le repli des formes traditionnelles de diffusion des contenus culturels.

Des sujets évités

Les experts de Strategy& évitent également de s'interroger sur l'effet de substitution qui pourrait expliquer ce déclin, ni sur les transferts de valeur au profit de nouveaux acteurs.

Sans s'appesantir sur le piratage, ils insistent plutôt sur les avantages dont bénéficient les consommateurs dans cette transformation, et défendent le nouveau modèle de relation directe du créateur avec son public, qui permet de contourner les intermédiaires incapables de s'adapter à ces nouvelles opportunités.
 
Les emplois


Le rapport constate, côté emplois, une stabilité d'ensemble sur la décennie, mais toujours avec deux tendances opposées, et un fort déclin au cours des trois dernières années étudiées. Les experts de PWC soulignent le succès grandissant des plateformes qui mettent en relation les entreprises et "une nouvelle génération de contractuels indépendants, de consultants numériques, de créatifs freelances qui valorisent leur indépendance et leur capacité à saisir de nouvelles opportunités dans cet écosystème très changeant". Une partie de ces "indépendants" sont en réalité d'anciens salariés du secteur précarisés dans ce nouveau statut.
 
En dépit de multiples opportunités qu'il offre, "le numérique continuera d'avoir un effet disruptif sur nombre des organisations traditionnelles, qui affronteront avec difficulté cette période de transition, et qui parfois connaîtront l'échec", expliquent tranquillement les auteurs du rapport, défendant la désormais célèbre "destruction créatrice" théorisée par l'économiste Joseph Schumpeter.

Eu égard à la rentabilité incertaine de certains nouveaux modèles testés, on ne peut que se demander s'il ne s'agit pas simplement de ruiner les anciens acteurs pour prendre leur place, sans créer la moindre richesse.

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