C’est une victoire de longue haleine que viennent de remporter les libraires belges. Espéré depuis trente-cinq ans, un décret introduisant le prix unique du livre en Belgique francophone a été adopté à l’unanimité le 18 octobre par le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. A partir du 1er janvier 2018, le prix des ouvrages de langue française, papier et numérique, sera fixé par l’éditeur ou l’importateur. Tenus de respecter ce prix pendant une période de deux ans (réduit à un an pour les BD), les détaillants, quel que soit le circuit de distribution, ne pourront, comme en France, accorder de rabais qu’à hauteur de 5 % maximum, avec, pour les livres vendus aux collectivités, la possibilité d’aller jusqu’à 15 %.

Le texte voté met aussi fin à la tabelle, ce surcoût très contesté qu’appliquent encore certains importateurs incontournables, en particulier Dilibel et Interforum Benelux, filiales respectives des groupes français Hachette et Editis. Touchant près d’un livre sur deux et renchérissant leur prix de 12 % à 17 %, la tabelle va être ramenée à 8 % maximum au 1er janvier 2019, 4 % au 1er janvier 2020, et 0 % au 1er janvier 2021. "A partir de 2021, les lecteurs belges paieront les livres français, quel que soit leur distributeur, au même prix qu’un lecteur français", se félicite Olivier Verschueren (Livre aux trésors, à Liège). "Ce calendrier progressif, étalé sur trois ans, doit permettre aux importateurs d’adapter leurs structures, mais certains seront peut-être amenés à cesser leur activité, observe Philippe Goffe, ex-patron de Graffiti, à Waterloo, fortement investi dans ce combat tarifaire. En fait, les cartes sont entre les mains de leur maison mère française."

Pour les libraires, en tout cas, la double mesure permettra enfin de mettre un terme à la concurrence par les prix menée par certaines enseignes et par Amazon, qui vend, depuis son site français, en Belgique au prix français sans tabelle. "La disparition de la tabelle, qui va réduire le prix des livres, entraînera un léger manque à gagner en librairie, reconnaît Régis Delcourt, gérant de Point Virgule à Namur et président du Syndicat des libraires francophones de Belgique (SLFB). Mais ce manque sera lissé sur trois ans et, surtout il devrait être compensé par la récupération de clients qui allaient acheter leurs livres en France, à Lille par exemple, ou sur Amazon."

Clarisse Normand