La bibliothèque de Condé-sur-Noireau, dans le Calvados, a obtenu à l'unanimité le prix de l'Accueil de notre grand prix Livres Hebdo des Bibliothèques. Nous avons appris par la suite l'imminente fermeture de l'usine Honeywell, principale pourvoyeuse en emplois de la ville. L'hommage rendu à la bibliothèque de Condé-sur-Noireau n'en est que plus symbolique.

Les 64 dossiers que nous avons reçus pour cette deuxième édition présidée par Zep, le créateur de Titeuf, témoignent des efforts qui sont faits dans de grandes villes ou de petites communes pour lutter pied à pied contre la menace de désertification culturelle que fait craindre la crise économique.

Si Livres Hebdo a ressenti en 2010 la nécessité de mettre en lumière le travail des bibliothécaires pour encourager la lecture, c'est bien parce qu'en France il n'a pas la reconnaissance qu'il mérite. Même parmi les professionnels du livre, la qualité et la modernité de ce combat quotidien sont encore méconnues. Seuls quelques visionnaires ont su l'apprécier. Cela avait été le cas d'Hubert Nyssen, le fondateur d'Actes Sud, disparu tout récemment, qui dès 1981 nous confiait avoir la conviction que "l'une des solutions majeures à la crise de l'édition passe par l'accroissement du nombre de bibliothèques ».

Après de vives discussions, la petite bibliothèque parisienne Louise-Michel (20e  arrondissement) a obtenu le grand prix, devant la superbe bibliothèque universitaire Saint-Serge d'Angers qui a décroché à l'unanimité le prix de l'Innovation, tandis que la médiathèque Marguerite-Duras (Paris 20e) recevait le prix de l'Espace intérieur, et celle de Noisy-le-Sec celui de l'Animation.

Le jury a eu du mal à départager Louise-Michel et la BU Saint-Serge. Toutes deux, malgré la disproportion de moyens et de taille, partagent les mêmes valeurs. La conviction de notre juré britannique Sergio Dogliani, créateur des Idea Stores, ces bibliothèques londoniennes révolutionnaires tout à la fois centres culturels et sociaux, l'a emporté : "Louise-Michel démontre que l'on peut combiner, dans une période de crise, la beauté, la force et la grâce, tout en étant performant. Le monde des bibliothèques françaises a de la chance d'avoir un nouveau modèle à suivre, un lieu confortable, vivant et chaleureux où les gens se sentent comme chez eux pour lire, apprendre, échanger, se respecter. » Un plaidoyer qui pourrait nous servir de charte.