15 SEPTEMBRE - ROMAN France

Olivier Frébourg est un écrivain brillant remarqué dès ses débuts avec un essai incarné sur Roger Nimier (Roger Nimier, trafiquant d'insolence, Le Rocher 1989, repris dans la "Petite vermillon"), puis avec des livres de voyage littéraires, tel Un homme à la mer (Mercure de France 2004, repris en Folio).

Longtemps directeur littéraire de La Table ronde, le Dieppois a ensuite pris le large pour fonder en 2004 une petite maison vouée au voyage et à la littérature. Aux éditions des Equateurs, il s'est illustré en proposant l'intégralité de l'Histoire de France de Michelet ou les Carnets de Barrès. Gaston et Gustave, le nouveau livre qu'il publie au Mercure de France en cette rentrée, est un volume d'une rare force tenant à la fois du récit et de l'essai littéraire.

Déjà père de deux garçons, Olivier Frébourg apprend que son épouse attend des jumeaux. La grossesse n'ira pas à son terme. Gaston naît à vingt-six semaines et demie de gestation, puis est transféré au CHU de Rouen où, "oisillon bleuté tombé du nid", il va chaque jour lutter pour sa survie. Arthur, lui, restera hélas à jamais "l'enfant des limbes". Pris dans la tourmente, Frébourg, âgé alors de 41 ans, en vient à repenser à son "vieux" Flaubert qu'il fréquente depuis l'adolescence.

Au même âge, Gustave, lui, a achevé Salammbô et a lancé le plan de L'éducation sentimentale ; il demeure persuadé qu'un écrivain "doit se consacrer à son art, n'avoir ni épouse ni enfant". L'auteur de Maupassant,le clandestin (Folio) réussit à entrecroiser ici deux portraits sensibles et justes. Le sien, celui d'un "enfant de l'ordre, du patriarcat, de la transmission", qui ne s'est jamais senti proche de sa génération. Quelqu'un qui reconnaît être devenu peu à peu un adulte toujours pendu au téléphone, entre deux trains, entre un banquier et un imprimeur. Un mari agité à côté d'une femme "si calme, si royale", une femme "de gravité et d'écume" qui lui évoque Françoise Hardy.

Tout aussi senti et creusé, le second portrait se concentre sur Flaubert. Le "Patron", l'enfant protégé, l'hypersensible, la "comète qui avance à pas de sénateur", le "dégoûté de la vie". "Flaubert est paradoxalement un écrivain lourd et léger. Un butor et une femme jusqu'au bout des ongles", nous dit Frébourg de son maître.

Gaston et Gustave est l'oeuvre d'un lecteur raffiné. Mais aussi la confession hautement poignante et pudique d'un homme qui a l'impression d'avoir tout saccagé et d'avoir fait naufrage. Celle d'un père qui réussit à évoquer ses fils avec une belle ferveur.

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