Tous les quinze jours, à la même heure, un bibliobus -coloré parcourt la rue Genton, dans le 8e arrondissement de Lyon, avant de -s'arrêter en bas de l'immeuble Le Charlie. Cette bibliothèque mobile, qui vient à la rencontre des habitants éloignés de l'offre culturelle, propose, entre autres, une étagère « actualité ». Pourtant, même en période électorale, les livres des candidats n'y apparaissent pas. « Nous n'achetons pas ce genre de livres, sinon, il faudrait tous les avoir et nous ne pouvons pas nous le permettre avec 250 euros de budget par an pour la politique », détaille Laurent Raux, responsable du fonds « société » depuis cinq ans. Pour autant, le domaine n'est pas oublié des rayons, mais « nous privilégions les enquêtes, et les livres qui ne sont pas programmatiques, comme le dernier de Ségolène Royal, même si on sait qu'il va surtout sortir la première année, puis pratiquement plus du tout... »
« Nous nous méfions des livres à durée de vie très limitée », abonde Pierre Aztanière, chargé de la collection science politique à la bibliothèque Mériadeck, à Bordeaux, où le délai de commande peut prendre « plusieurs semaines ». Une temporalité qui a son importance dans une campagne électorale qui ne dure que quelques mois. Le bibliothécaire privilégie les ouvrages écrits par des journalistes politiques ou des chercheurs, mais admet avoir acquis les livres des « gros "candidats" ne serait-ce que parce qu'ils sont demandés. Il faut arriver à trouver un juste équilibre pour que toutes les tendances soient représentées, et en même temps on ne peut pas être exhaustif à cause de la contrainte du budget ». Signe particulier de cette bibliothèque bordelaise : les livres d'Alain Juppé, maire de la ville pendant plus de douze ans, apparaissent au détour de plusieurs rayons, notamment celui dédié à Bordeaux et à l'Aquitaine. « Il est une personnalité locale, et nous avons un devoir de conservation de ses livres », détaille le bibliothécaire.
Sciences po, temple de la science politique
Avec ses quelque 80 000 euros de budget annuel pour le fonds politique (qui recouvre à la fois les livres politiques stricto sensu, mais aussi la science politique, l'administration, les relations internationales et les sciences militaires), la bibliothèque de l'Institut d'Etudes politiques de Paris possède une plus grande marge de manœuvre. Sur ses étagères, deux exemplaires du pavé Un président ne devrait pas dire ça... (Stock, 2016) côtoient le petit opus des députés insoumis intitulé La régression en marche (Seuil, 2018). Les livres-programmes des candidats, eux, ne sont pas en accès libre, mais restent disponibles à la réservation. « Lorsqu'on sait qu'un livre va passer de mode très rapidement, on ne le met pas en salle. Nous sommes très sélectifs, nous exposons seulement 10 % de nos références », indique le responsable du fonds sciences politiques, Michael Goudoux. Même en période électorale, la bibliothèque de Sciences po ne cherche pas à surfer sur la vague. « Nous faisons des présentations et des sélections pour des livres académiques assez pointus, pas forcément très empruntés mais que nous sommes les seuls à avoir. Ce sont eux qui constituent l'identité de notre fonds. »
Pour autant, pas question de se passer des livres des politiques qui pourront « potentiellement servir à des historiens plus tard ».Afin de choisir les plus intéressants, la bibliothèque se base sur le classement des meilleures ventes et sur les nombreuses suggestions des lecteurs. « En ce qui concerne les livres"médiatiques", les suggestions ne viennent quasiment jamais d'étudiants, mais plutôt des chercheurs titulaires ou des salariés de Sciences po, à la direction de la communication par exemple. » Et pour cause : « Ces livres ne sont pas destinés à une utilisation pédagogique ou de recherche, ils servent surtout à connaître l'air du temps », analyse Michael Goudoux. Si leur taux de rotation est « supérieur à la moyenne » la première année, l'effet ralentit vite.Les leçons du pouvoirde François Hollande etFire and furyde Michael Wolff (version anglaise) sont sortis respectivement 7 et 8 fois en 2018, contre 1 et 0 fois en 2019.