«Nous n'avons pas du tout perdu d'avance» le contentieux probable que la Commission européenne devrait engager contre la France à propos de l'application du taux réduit de TVA sur le livre numérique, a assuré Jacques Toubon à l'Assemblée nationale, le 30 novembre.
Cette mesure prendra effet au 1er janvier prochain, suivant l'engagement que le président de la République a fermement renouvelé devant les professionnels de la culture, le 18 novembre dernier, à Avignon.
L'ambassadeur itinérant chargé de défendre dans l'Union européenne l'uniformisation de la taxation sur les biens culturels, et avant tout sur le livre numérique, exposait son argumentaire devant les députés de la commission des affaires culturelles.
Sur le plan juridique, si la France est attaquée par la Commission devant la Cour de justice de la communauté européenne, elle plaidera le principe de la neutralité fiscale, qui prévoit qu'un bien ou un service doit être taxé au même taux quel que soit son support ou son mode de diffusion. S'il est homothétique, un livre numérique est bien identique à un livre papier a insisté Jacques Toubon.
Pour la Commission européenne, un livre numérique entre dans la catégorie des services, qui sont tous taxables au taux normal dans la réglementation de l'Union. Un processus de révision de cette réglementation est toutefois en cours, et la France a veillé à y introduire la question de la distorsion de taxation entre mêmes contenus, selon qu'ils sont sous forme numérique ou sur support physique.
Cela ne préjuge toutefois pas du résultat des négociations sur cette révision. Pour le moment, une majorité d'Etats membres s'opposent à l'idée d'inclure le livre numérique dans la liste de biens ou services à taux réduit, mais la position de certains d'entre eux évolue favorablement, a assuré Jacques Toubon, qui a précisé que, parmi les commissaires européens, ceux du numérique, du marché intérieur et de la culture y sont favorables, tandis que ceux de la fiscalité et de l'économie s'y opposent.
Sur le plan économique, cette mesure serait parfaitement justifiée, car elle favoriserait le développement des entreprises européennes du secteur face aux géants américains de l'Internet, qui ont précisément pu s'étendre sur leur marché grâce des exemptions de taxation. «Il faut savoir si nous voulons une Europe de simples consommateurs, ou si nous voulons aussi qu'il y ait dans l'Union des acteurs de cette nouvelle économie», a dit l'ambassadeur itinérant.
Jacques Toubon a aussi évoqué la distorsion de concurrence dont bénéficient les entreprises (Amazon et Apple, notamment) installées au Luxembourg, en raison des avantages fiscaux que ce pays leur accorde en matière de diffusion de services et biens numériques, et que l'application immédiate du taux réduit de TVA permettrait de neutraliser.
Interrogé sur le paradoxe de la hausse de la TVA sur le livre papier, il a répondu que cette question ne rentrait pas dans le champ de son intervention.