"Môte" (traduisez par "Mat"), assène Daniel le bûcheron québecois que squatte le jeune Frédéric venant de débarquer dans la Belle Province. "Tsucomptes-tsu rester longtain ?" lui demande son hôte après la partie d’échecs et quelques bières. Frédéric est bien incapable de répondre. Depuis qu’il a mis le pied à Montréal, rien ne s’est passé comme prévu. Ce n’est pas pour jouer aux échecs avec un inconnu qu’il a quitté la France mais pour faire l’amour à sa blonde. Quelques mois plus tôt, il était en effet tombé follement en amour. Seulement voilà, le jour où il a débarqué, la blonde en question lui fait comprendre vertement qu’elle ne veut plus de lui. Résultat, un mois à tirer dans un pays où il ne connaît pas âme qui vive. Sans compter que son porte-monnaie est à peu près aussi vide que le pays. Tabarnak! Que faire? Commence alors un road-movie endiablé qui le mènera des States (à prononcer à la québécoise: Stêêêtes) en Gaspésie et où l’on croisera pêle-mêle un toxico braqueur à New York, un automobiliste très intéressé par l’entrejambe des jeunes gens, plusieurs gros fumeurs de joints mais aussi quelques belles âmes, comme ce camionneur dénommé Sam qui l’emmène dans son incroyable baraque en bois parmi les mousses et les arbres d’une forêt enchantée. Et toujours et partout, ces rencontres de hasard posent à Frédéric la même satanée douloureuse question: "…C’est plaate ici… t’es pô avec ta blonde ?" On adore cet anti-héros pris dans les galères de ce roman foutraque, émaillé de quelques savoureuses expressions québécoises, et par-dessus tout la lucidité de Claudine Desmarteau, sa vision crue de la vie en général, et de la langue en particulier. Le franc-parler est ici à la teuf. Fabienne Jacob