Édito par Christine Ferrand, rédactrice en chef

Ça s’est passé outre-Atlantique. BookExpo America, la grande manifestation professionnelle américaine, s’est transformée en un grand meeting anti-Amazon. Car la partie de bras de fer qui se joue entre Hachette Book Group USA et le cybermarchand, qui impose des délais de livraison particulièrement longs aux livres de son fournisseur ou refuse d’enregistrer des précommandes, donne la chair de poule à tous les professionnels du livre.

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Ça se passe à New York, mais ça pourrait aussi bien se passer à Paris, Londres ou Berlin, où d’ailleurs Amazon procède aux mêmes pressions sur Bonnier. Et c’est bien le sort de l’édition tout entière, et par là de la diversité culturelle, que met en question un des principaux acteurs du commerce mondial plus préoccupé par ses parts de marché dans le secteur des couches-culottes que par la diffusion du livre.

Qu’un distributeur cherche à imposer à son fournisseur les conditions commerciales qui lui conviennent fait partie des lois du marché, partout dans le monde. Mais l’affaire prend une tout autre tournure lorsque ce fournisseur a une puissance telle qu’il représente 65 % de ce marché. C’est le poids d’Amazon aux Etats-Unis dans la vente d’ebooks. Dans le secteur des livres traditionnels, il ne pèse "que" 30 %. Et dans ce domaine, il existe d’autres marchands en ligne qui peuvent encore, pour le moment, prendre le relais. C’est ce que prônaient les professionnels rassemblés en fin de semaine dernière à BookExpo America.

Cette mobilisation a été l’occasion de prises de position inattendues, notamment de la part d’écrivains qui ont bien compris qu’ils seraient à leur tour broyés si un acteur aussi puissant qu’Amazon arrivait à imposer sa loi : "Amazon veut contrôler la vente de livres, l’achat de livres et même l’édition de livres, et c’est une tragédie nationale", a ainsi déclaré James Patterson lors d’un déjeuner avec des libraires.

En France, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, s’en est émue. "En empêchant des précommandes ou en allongeant les délais d’attente, Amazon empêche tout simplement des lecteurs d’avoir accès aux textes de leur choix", a-t-elle indiqué dans un communiqué, voyant dans ce conflit une nouvelle illustration du risque que représente la recherche de position dominante d’Amazon. Mais de ce côté-ci de l’Atlantique, c’est au niveau de la Commission européenne que la bataille est engagée. Celle-ci peut-elle - et veut-elle - prévenir les abus de position dominante de quelques mastodontes internationaux ?

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