Édito par Christine Ferrand, rédactrice en chef

Si, chez Beaumarchais, tout finit par des chansons, dans les listes des meilleures ventes, tout finit par des romans.

Ce genre littéraire est désormais devenu hégémonique, comme en témoigne le Top 50 annuel Ipsos/Livres Hebdo. Sur les 50 livres les plus vendus en 2013, 40 sont des romans. Il y a seulement dix ans, on n’en comptait seulement 23, y compris les 5 volumes de Harry Potter.

Christine Ferrand- Photo PH. OLIVIER DION

Le genre romanesque n’a pas toujours connu une gloire semblable. On se souvient que, dans les années 1980, du temps de Tel quel et du structuralisme, le roman était moins bien porté…

Pour le sociologue Jean-Claude Kaufmann, cette suprématie du roman coïncide avec le trouble identitaire de notre époque. Au moment où l’individu est roi, seule la fiction peut arriver à redonner une histoire commune : "Le roman aide l’individu à se construire", écrit-il dans notre rubrique "C’est vous qui le dites". "C’est ce besoin de travail identitaire qui prend forme à travers le phénomène de lecture de romans."

Au total, les meilleures ventes 2013 dominées par Astérix, qui a réussi le pari du changement d’auteurs, donnent un tableau de l’année écoulée moins sombre que prévu. Les best-sellers se sont plutôt mieux vendus en 2013 qu’en 2012. Surtout, les goûts littéraires se sont exprimés dans un joyeux éclectisme, plutôt de bon augure pour l’avenir.

Souhaitons que cette diversité de nos classements puisse subsister. Tant qu’Un été avec Montaigne rencontrera (presque) autant de succès que Cinquante nuances de Grey, rien n’est perdu.

A quelques exceptions près, les sciences humaines et sociales sont de plus en plus absentes de ces palmarès. Hégémonie de la fiction, recul du rôle prescripteur de l’Université, les causes de cette défection sont multiples. On en voit en tout cas les effets dans les difficultés que traverse depuis quelques années une maison d’édition aussi prestigieuse que les Presses universitaires de France. Son sauvetage par une compagnie de "réassurance" doit lui permettre de miser sur le numérique. En renouant ainsi avec la profession de foi de ses fondateurs, en 1921, "transmettre la connaissance […] sous toutes ses formes matérielles".

23.01 2014

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