En conviant 32 artistes à se mettre à table, Benjamin Chaud, facétieux illustrateur, nous fait entrer dans leur art par la petite porte. Une façon de se tenir, un choix de plat, un incident, tout est prétexte à évoquer la vie et l’œuvre. Ainsi Louise Bourgeois trouve une bestiole dans sa soupe, sauf que la bestiole n’est autre que l’araignée géante qui l’a rendue célèbre. Quant à Andy Warhol, entouré de garçons qui ne cessent de lui apporter de la soupe à la tomate, il commence à en avoir ras le bol. Le malheureux Edvard Munch, lui, s’est laissé surprendre par la sauce piquante des crevettes. Résultat, de sa bouche tout arrondie sort une énorme flamme qui n’est pas sans rappeler un certain… cri. Ailleurs, une très gourmande Niki de Saint Phalle lèche une gigantesque glace multicolore. La légende énumère pas moins de dix-neuf parfums ! La planche représentant David Hockney est irrésistible : au bord d’une piscine, il jette ses nouilles chinoises à un ami nageur. Cela fait de très beaux reflets dans l’eau.

Toutes les pages sont cocasses, mais celle consacrée au Douanier Rousseau qui n’a jamais reçu sa livraison de pizza est à mourir de rire. En effet, le livreur de pizza s’est égaré dans la célèbre toile du maître, parmi les feuillages et les animaux sauvages. Celle de Jérôme Bosch jetant un coup d’œil en cuisine n’est pas non plus piquée des vers : les cuisines ne sont autres que celles de l’Enfer. Enfin, les peintres, comme on sait, sont des obsédés sexuels : les allusions salaces sont ici légion, les femmes nues aussi. Fabienne Jacob