La vitalité de la bande dessinée, dont le marché a encore crû de 5,5 % en euros courants en 2019, contre 1,3 % pour la moyenne du marché du livre, d'après nos données Livres Hebdo/I+C, donne des envies de diversification aux éditeurs de psychologie populaire. Après avoir durablement installé le roman au rayon du développement personnel, ils font désormais les yeux doux aux arts graphiques pour renouveler leur approche.

Dunod, qui a déjà ouvert son catalogue à la bande dessinée l'année dernière pour expliquer la physique quantique (Quantix, de Laurent Schafer) ou Spinoza (Spinoza à la recherche de la vérité et du bonheur, de Philippe Amador), continue d'explorer le 9e art, mais cette fois sur le terrain du développement personnel. La maison propose Chère Scarlet, de Teresa Wong (3 juin), un récit graphique « touchant, drôle et émouvant » sur la dépression post-partum, explique Ronite Tubiana, responsable éditoriale. L'approche graphique permet de « parler de sujets sérieux avec des auteurs experts et légitimes mais sous un format plus léger et un rendu plus visible », assure l'éditrice, qui est en train de développer plusieurs projets d'ouvrages mêlant BD et développement personnel, santé ou parenting pour 2021.

Editrice chez Jouvence - Charlène Guinoiseau - Editions Jouvence- Photo OLIVIER DION

« L'illustré permet de sensibiliser le grand public à des thèmes vers lesquels il n'irait pas forcément. C'est une nouvelle façon de faire lire des ouvrages de développement personnel et de spiritualité », s'enthousiasme Sandrine Navarro, responsable éditoriale chez Leduc.s, qui « souhaite investir ce créneau » prochainement. Le dessin s'invite dans le catalogue de Trédaniel,, qui propose en septembre une édition illustrée de La mort expliquée aux enfants de Jean-Jacques Charbonnier, un texte initialement paru en 2015 et vendu à plus de 25 000 exemplaires. Sous le crayon de Benoît Flamec, « l'auteur prend vie sous la forme d'un personnage de bande dessinée pour animer son propre texte », explique Guy Trédaniel, fondateur de la maison du même nom. Séduit par ce projet « assez étonnant », il envisage désormais la bande dessinée comme un « nouvel axe à développer ».

Sous sa casquette d'auteur, Fabrice Midal s'est essayé à l'exercice avec son roman graphique Méditer : le bonheur d'être présent (Philippe Rey, octobre 2019) pour lequel il a collaboré avec Corbeyran (scénario) et Emmanuel Desjupol (dessin). En tant que directeur de collection chez Plon et Pocket, il n'exclut pas d'introduire ce « médium extraordinaire » dans ses programmes, sous réserve de dénicher des « projets réellement créatifs ». Marabout publiera Harcelée mais pas victime de Calouan et Chadia (17 juin) qui tourne en dérision les situations de harcèlement subies par les femmes et propose des stratégies de défense ou d'esquive, et Chemins de vie sacrés : la numérologie au féminin d'Orélie Pitaval et Julie Créé (9 septembre).

Deux collections dédiées

Avec sa collection « La vie en bulles », First souhaite explorer « toutes les thématiques du catalogue sous une forme d'expression qui est nouvelle pour nous et qui est de plus en plus investie », explique Aline Sibony, responsable éditoriale et porteuse du projet avec sa consœur Sandra Monroy. « La vie en bulles », qui aurait officiellement dû être lancée le 19 mars mais a été stoppée dans son élan par le coronavirus, est inaugurée avec Wabi sabi d'Amaia Arrazola, « une philosophie de vie inspirée de la culture japonaise », et Le petit manuel de sexe féministe de Flo Perry. « Quatre autres titres sont en préparation pour la rentrée, dont un sur le body-positive », souligne Aline Sibony. A terme, l'éditrice souhaite enrichir le label de six à huit ouvrages par an.

Charlène Guinoiseau, directrice éditoriale de Jouvence, mise aussi sur le témoignage graphique avec la création du label « #sansfiltre ». Quatre ouvrages auraient dû être publiés cette année mais, en raison de la crise sanitaire, Charlène Guinoiseau a pris la décision de reporter leur parution à l'année prochaine. Un premier titre, publié en janvier, permet toutefois de se familiariser avec le ton décalé de la collection. En effet, Ça va merveilleusement bien : la vie est compliquée du coup je l'ai dessinée de Ruby Elliot livre un « témoignage ironique et empreint d'humour anglais sur la dépression et l'anxiété. Aborder ces thèmes avec dérision offre de l'évasion et une prise de recul », explique l'éditrice. Cet ouvrage serait par ailleurs représentatif d'un autre courant émergent : le développement personnel sous le prisme de l'humour. De quoi laisser au secteur de nombreuses opportunités pour se réinventer. 

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