La science amusante. Dans la vie, l'Écossais Tom Gauld semble avoir deux passions : les livres et la science. Des centres d'intérêt qu'il décortique avec humour et acuité dans des strips publiés dans la presse britannique, dans le Guardian pour le premier, et dans New Scientist pour le second. Les éditions 2042 publient aujourd'hui La physique pour les chats, son cinquième recueil en français, le deuxième consacré à la science. Son titre prometteur est immédiatement corroboré par un premier strip qui parlera à tout propriétaire de félin : dans son laboratoire, un matou pousse délicatement une tasse posée sur un bureau pour la faire tomber par terre. Elle se brise : expérience concluante, à la grande satisfaction du chat chercheur. C'est ce mélange d'humour absurde, de poésie délicate, d'observation des petites choses du quotidien qui fait tout le sel de l'œuvre de Tom Gauld. Esprit affûté et cultivé, l'auteur s'appuie autant sur le texte que sur l'image. Dans ses strips toujours variés, toujours surprenants et dessinés d'un trait simple et épuré, les disciplines et les genres se télescopent en un réjouissant carambolage. Tom Gauld convoque souvent la philosophie, la musique, la fantasy, le cinéma pour mieux s'amuser des paradoxes de la science, pour se moquer gentiment du monde des chercheurs et autres ingénieurs. Puisant son inspiration tous azimuts, il met en scène autant des extraterrestres que de vraies expériences, comme le dilemme du tramway, ici revu au prisme adéquat du surréalisme. En évoquant également les préoccupations triviales de ses personnages, il démystifie l'aura de la science et des scientifiques, joue avec tendresse et mordant sur les clichés qui leur collent à la peau, épingle la vie de bureau, le jargon... Dans de subtiles mises en abyme, il détourne volontiers et représente à sa manière ludique et loufoque des diagrammes, des schémas, des plans de coupe...

Mais derrière l'humour et la poésie, Tom Gauld se fait parfois mélancolique, voire acide, n'hésitant pas à ancrer ses strips dans des problématiques actuelles, depuis les budgets rognés des chercheurs jusqu'à l'IA ou l'indifférence envers le réchauffement climatique. « La mauvaise nouvelle, c'est que notre position selon laquelle "le changement climatique n'existe pas" devient intenable... La bonne nouvelle, c'est que, si nous tenons le cap, nous pourrons bientôt passer à "Oups ! Il existe bel et bien, mais il est trop tard pour faire quoi que ce soit" », pérore ainsi un dirigeant devant une assemblée de cadres en costume-cravate. Irrésistible et intelligent, La physique pour les chats démontre que la science est assurément soluble dans l'humour.