A l’intérieur d’un cabanon près des chutes du Niagara, à l’aube du siècle dernier, un homme est alité sans forcément dormir car, selon lui, "la position horizontale aide à rétablir l’équilibre interne". C’est parfois ennuyeux, mais "l’ennui fait partie de la cure". Un individu entre en scène, qui voudrait des renseignements sur la rivière que le premier connaît par cœur puisque c’est "le Pêcheur". En fait, il veut des informations sur le temps qu’il a fait ces dernières années pour ses tableaux de statistique: Smith est un météorologue, trop en avance sur son temps. Quant à Wesson, il est plutôt repêcheur que pêcheur vu qu’il pêche les corps des noyés - accidents ou suicides nombreux dans ce haut lieu du tourisme. Les compères éponymes de la pièce d’Alessandro Baricco se prénomment respectivement Tom et Jerry, et l’on goûte le sens du burlesque de l’écrivain italien dont l’humour se fait plus rare dans ses romans.
Débarque Rachel, journaliste de 23 ans, harcelée par sa rédaction et obligée de revenir avec un scoop sous peine d’être renvoyée chez ses parents et de dire adieu à son rêve d’écrivaine. Comment faire avec deux bras cassés? Smith, en vérité un escroc en banqueroute recherché dans toute l’Amérique, et Wesson, un héros de pacotille qui n’arrive pas à la cheville de feu son père, le véritable sauveteur. Inventer un spectacle, pardi!, un numéro de cirque comme se jeter dans le vide, mais, grâce au génie de Smith et à l’expertise des eaux de Wesson, dans une espèce d’engin d’où l’on sortirait indemne après le saut. Baricco nous régale ici avec un Bouvard et Pécuchet cartoonesque. Mais sous l’absurde, les vraies questions, une sotie existentielle en somme. S. J. R.